Simplicimus poeticus

Les-Bonbons-pleurent.jpg


On n'est pas étonné de voir Valérie Rouzeau ouvrir Les Bonbons pleurent de Sandra Lillo d'une émue préface, elle qui aime avec beaucoup de tendresse la poésie de la regrettée Adrienne Savatte (1924-2020), forme la plus épurée et la plus dénuée d'"intention" qui soit. On retrouve vite cette simplicité dans le recueil de Sandra Lillo comme dans un autre, paru à peu près dans les mêmes moments, celui de Milène Tournier, L'Autre jour. Ces deux livres de fraîcheur doivent à leur désinhibition toute prévention du lecteur qui, (après qu'il a vérifié qu'il ne serait pas tombé par mégarde dans une mièvrerie signée Coulon), poursuit sa lecture (rassuré) curieux des recoins fouillés par l'une et par l'autre, douées, chacune à leur manière.
Point de phrase boursouflée, des citations.

Sandra Lillo

Je suis allée à la médiathèque cet après-midi

Quand j'arrive
Je retiens mon souffle

La vie ma paraît courte devant les allées
de livres

J'ai envie de remplir des chariots
m'enfuir en courant avec les livres qui

tomberaient de mes poches


Quand je suis sortie c'était toujours la fin
de l'été

Un homme était allongé sur la pelouse
et j'avais envie de lui dire

C'est la fin de l'été

est-ce que ça vous donne
envie de pleurer

Moi ça me donne envie de pleure

Je n'ai pas vu de miracles.



Milène Tournier

J'escaladerai nue et folle de village, comme une bête le soir regrimpe à sa tanière et comme l'aube s'agrippe toutes griffes au ciel pour encore une fois, j'escaladerai nue et vieille ou sans plus trop d'âge, l'hirsute croix jésuschristique érigée voilà cent ans sur la place, je m'y collerai bras mollets et crâne, d'y hurler que je suis humaine d'époque et que je n'arrive plus à croire et non plus à sortir ma tête de ma tête, mon coeur du coeur, et à bénéficier de mon âme, et faire le vivant bénéficier de cette part-là normalement qui lui revient, d'être lui en moi, mon âme, le vivant en moi, et je resterai nue et sale, collée croix d'épouvantail à hurler et m'épuise, me calmer, et le village me laissera faire avant de tout doucement ramener la folle à son lit, couvrir ses pieds ses épaules d'au moins un drape fin, dors, il n'y a aucune heure, dors maintenant.





Sandra Lillo Les Bonbons pleurent. Préface de Valérie Rouzeau. Aquarelle de la couverture par Cécile A. Holdban (Vinca Alba Minor). — Montreuil, Le Castor Astral, 124 pages, 12 € MIlène Tournier L'Autre jour. — Caen, Lurlure, 160 pages, 19 €

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/5189

Haut de page