Fernand Fleuret (1926)

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Fernand Fleuret

Combien j'aime le titre du livre nouveau que nous donne M. Fernand Fleuret, Histoire de la Bienheureuse Raton, Fille. de Joie.
Et combien j'aime qu'un érudit s'amuse à relater ainsi des péripéties garantes, à évoquer la vie exquise des gens du dix-huitième siècle, à nous montrer ce qu'était, en ce temps-là, la grâce des débauchés, la naïveté des penseurs, la .débauche des femmes honnêtes, et l'ingénuité des demoiselles vouées au rassasiement du désir public.
Les hommes de bibliothèques voient s'ouvrir devant eux deux routes, qui vont toujours s'écartant davantage : d'un. côté, à droite, c'est la route épineuse et nue de la science contrôlée par l'esprit critique ; à gauche, c'est la route fleurie où l'on s'égare quelquefois, mais où l'on vagabonde délicieusement, la route où tout le charme de la vie moderne se mêle aux vertiges du passé, où les agréments d'autrefois ne sont pas épinglés cruellement comme papillons de vitrine, mais conservent leur éclat et leur palpitation.
C'est sur cette route que M. Fernand Fleuret nous convie à nous engager derrière lui.
Pourrions-nous avoir un meilleur guide ?
Voyez son visage, Ses cheveux blond cendré sont flous et légers au-dessus des yeux clairs. Il semble que la poudre du temps de la Régence y soit un peu demeurée. Sa lèvre est celle d'un portrait du dix-huitième siècle, fleurie d'indulgence et gonflée de sensualité. L'aimable homme ! Je ne dirai pas qu'il ressemble à ses personnages. Mais une incontestable affinité physique le disposait à les comprendre, et à nous les faire aimer comme il les a chéris lui-même.
L'Histoire de la Bienheureuse Raton, Fille de Joie, n'est pas la seule - oeuvre de M. Fernand Fleuret.
Les satiriques français du seizième et du dix-septième siècle lui sont familiers. Il a traduit de petits romans du moyen âge. Il a composé des pastiches charmants des poètes burlesques du. grand siècle sous le titre Friperie, et Le Carquois du sieur Louvigné du Désert. Il a fait paraître son esprit dans Les Épîtres Plaisantes. Il a rendu hommage à Ronsard dans Le Triomphe du Pin de Bourgueil. Il nous a montré, en Sœur Félicité, une héroïne peut-être moins sage que ne le fut Raton. Sous son nom, et sous des. noms d'emprunt, il a modelé d'exquises figures de porcelaine colorée, sculpté des statuettes charmantes, et contribué à remplir des bibelots les mieux réussis toute une vitrine littéraire.
Paul Reboux



Paris-Soir, 14 décembre 1926.

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