Hommage à Klein

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A l'occasion de la vente aux enchères demain après-midi de cette image anonyme, "hommage à Klein", cette page d'Hélène Parmelin...

Yves Klein était plein de délires, et plein d'idées, avec incontestablement un don de faire partager ses délires, de montrer des spectacles, de jouer avec le monde et avec son suivisme.
Il est grand dommage que nos rois mages chargés de significations, nos fabricants de divinités, nos pourfendeurs d'art, nos officiants du catéchisme des modernités et du bréviaire de l'avant-garde tentent de faire d'Yves Klein autre chose. Et par cela même l'assassinent.
Au lieu de cette exposition, il fallait faire un livre vrai sur Yves Klein, sur ses imaginations ailées, ses mystiques, ses trouvailles, ses écrits délirants, sa vie fantastique. Sur son don de persuasion, sur la contagion dont ses fantaisies étaient douées, sur sa foi en lui-même et sur le sérieux imperturbable avec lequel certains lui emboîtèrent le pas et cherchèrent à faire de ce baladin génial un Galilée.
Cet homme qui disait si joliment : « L'artiste doit être capable de léviter », et qui se jetait du premier étage d'une maison... Cet homme qui (contre un peu d'or) a réussi à vendre du vide, du rien, l'emplacement d'une œuvre inexistante, à des amateurs : merveilleuse histoire. Cet homme qui organisait à grand tapage le vernissage d'une exposition où il n'y avait rien, que les murs peints en blanc de la galerie, et dehors, les gardes républicains : des milliers de personnes accouraient et vernissaient le rien. Cet homme qui trempait dans son bleu des femmes qui tenaient lieu de pinceaux et se roulaient sur les toiles. Cet homme qui disait tant de choses jolies et lucides mêlées à des délires verbaux tels que Restany lui-même ne peut le suivre, mais qui disait aussi : « ... mon œuvre n' est pas une recherche, elle est mon sillage ». Cet homme si totalement imprégné d'un amour fou de lui-même — une des caractéristiques de l'Ecole de Nice — mais qui allait jusqu'au bout : « ... Ainsi très vite, on en arrive au théâtre sans acteur, sans décor, sans scène, sans spectateur... plus rien que le créateur seul qui n'est vu par personne... et le théâtre aspectacle commence ! L'auteur vit sa création : il est son public, et son triomphe ou son désastre. Rapidement l'auteur n'est plus là lui-même, et pourtant tout continue... » Cet homme dont la mort elle-même passe au premier abord pour un nouveau jeu. Cet homme de folie sérieuse et de fantaisie démesurée est complètement trahi par ses amis, qui l'ont mis au Musée.
Eux-mêmes du reste se sont sentis gênés par l'atmosphère solennelle, guindée, mortuaire, qui régnait au Pavillon de Marsan. L'exposition mettait tout à nu. C'était la minute de vérité. C'est qu'en réalité l'œuvre d'Yves Klein n'existe pas et n'a jamais existé. Pas sans lui. Car il n'a jamais fait d'œuvres : il a fait des gestes. Sans leur auteur en train de les faire, il ne reste rien. Et même, pire. (...)



Hélène Parmelin L'Art et les anartistes. - Paris, C. Bourgios, 1969, p. 45-sq.


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