L'Alamblog

Il s'agit moins de mettre ici en évidence un livre "que ça n'en vaut pas la peine" que de saluer en un seul exercice éditorial une addition effrénée de phénomènes intéressants dans la catégorie désopilante. C'est une gageure que d'avoir pu en concentrer à ce point en un même opus.
Pour la faire brève, car nous n'allons pas y passer plus de temps que le livre n'en vaut la peine, il y aurait lieu de citer ce titre, "Bestial", qui voudrait paraître violent et n'est que du registre de l'interjection banale, ce nom d'auteur si joliment inspiré de la production d'outre-atlantique (un pseudonyme dirait-on), cette image de couverture assez mal lisible (et allez perdre un converse montante, déjà), son entrée en matière qui dénonce les petites angoisses sans originalité de la petite bourgeoise de la banlieue à l'aise (Fontainebleau ?), le relâché d'une prose qui voudrait paraître cognante (les lèvres ont-elles vraiment du "jus" qui se perdrait avec l'âge ?) et, acmé, cette épigraphe qui porte la signature d'un grand penseur d'aujourd'hui, Eric-Emmanuel Schmitt... Cet abord décourage, on peut le comprendre. Ne pas avoir la force de tourner la première page de texte pour arriver à la deuxième, c'est rude, mais on le conçoit aisément.
Autre chose nous saute à l'oeil à l'occasion du survol de ce "frissonneur" vendu comme un "meilleur-vendeur" (ah ah) et de sa thématique (des jeunes filles disparaissent, tout ça) : rien ne change chez le bipède depuis plus de deux siècles. Si l'on a remplacé les révolutionnaires, les contre-révolutionnaires, les inquisiteurs, les barbares et les huns, les Juifs et les romanos par les maniaques, les néo-nazis et les pervers polymorphes, on peut mesurer cette grande victoire (!) du genre humain : la "littérature" populaire exploite toujours le filon des voleurs d'enfants. C'est beau l'esprit de suite.
Passons et reprenons quelques pages de La Rumeur d'Orléans.


Anouk Shutterberg Bestial. — Paris, Plon, 2022.