Jean-Paul Hippeau (1926)

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Jean-Paul Hippeau

Vous vous souvenez probablement du bruit que fit une certaine affaire de plagiat dont Jean-Paul Hippeau était accusé. Cet affreux bonhomme de lettres avait pillé sans vergogne son digne confrère Harry Hops. On reconnut que Harry Hops et Jean-Paul Hippeau étaient le même homme, ce que personne dans notre petit monde littéraire ne soupçonnait, car la modestie de Jean-Paul Hippeau égale celle de Harry Hops.
Ce Harry Hops, à ses débuts, attira l'attention d'un des romanciers les plus droits; les plus justement estimés pour son incorruptible amour des lettres, Gaston Chérau.
M. Gaston Chérau, qui ne connaissait pas plus Harry Rops que Jean-Paul Hippeau, venait de tomber en arrêt sur un récit d'une centaine de pages, La Mère Quenotte, paru un an avant la guerre.
C'était l'histoire de la célébration d'un centenaire dans un petit village de la Beauce. Des personnages ambitieux rendaient hommage à la Mère Quenotte. Jean-Paul Hippeau fait grouiller dans cette nouvelle, chargée de vie, des héros citadins et villageois qui rappellent, par la netteté du trait et par l'intensité de la couleur, ceux que peignirent Flaubert et Maupassant d'une inoubliable males envoya conquérir. Le spectacle du monde alors, pour un être quelque peu sensible, était désolant.
Beaucoup d'intelligentes bonnes volontés sombrèrent dans ce bouleversement de toutes les notions morales et sentimentales héritées ou acquises.
Et Jean-Paul Hippeau faillit perdre pied sous la marée montante des imbécillités et des laideurs. Pour s'évader, tout au moins en esprit, dé cette accumulation de misères physiques, intellectuelles et morales,, Jean-PauJ Hippeau, composa, créa, illustra et grava et tira lui-même dans sa chambre, sur une humble presse à bras, Les Dit Chants des Rameurs Grecs, synthèse de l'esclavage antique opposé à l'esclavage moderne, et Idées de derrière la Tête, où le pamphlétaire apparaît derrière l'ironiste.
Parut ensuite Le Haoma, pages poignantes dédiées « à ceux qui ont gagné la guerre et que leur victoire a meurtris » et où « s'exprime, en toute franchise, sur un mode héroïque et grave, l'anxiété de l'être désemparé par l'étendue du mal moral », a écrit justement M. Georges Bergner.
Enfin parut cette Bonne, Odeur de la Terre, livre sain et robuste avec lequel Jean-Paul Hippeau revient à ses premières amours, à la grande tradition des Flaubert et des Maupassant.
Après Gaston Chérau, il convient de saluer en lui un des écrivains les mieux doués et les plus représentatifs de la génération désenchantée et douloureuse, qui subit la guerre.
Gabriel Reuillard




Paris-Soir, 24 avril 1926.

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