Bécan (1926)

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Bécan
Un dessin de Bécan n'a pas besoin d'être signé. Sa facturé suffit, pour qu'on en connaisse aussitôt l'auteur. Je ne crois pas qu'il soit possible de faire mieux l'éloge d'un artiste.
Non, Bécan n'a pas besoin de signer des œuvres. On "repère" tout de suite sa façon précise, significative, synthétique. Aucun trait inutile. Aucun contour amolli. Une main ferme a tenu le burin, le crayon ou le pinceau, et l'a lentement guidé de manière à fixer la vérité choisie sous la forme la plus harmonieuse.
L'inconvénient, quand un dessinateur est doué d'une personnalité si nette, c'est que souvent il devient sa propre victime. Il est comme prisonnier de lui-même. Soif champ d'action va se rétrécissant. Il crée son propre poncif. La marque de fabrique s'étend sur le produit, jusqu'à le dissimuler entièrement.
Mais pour Bécan, rien de pareil. Sa manière, sans cesser d'être caractéristique, n'est jamais étroite. Elle participe aux genres les plus variés. Qu'il fasse des gravures au burin comme celles auxquelles il travaille actuellement et que peu d'illustrateurs d'aujourd'hui sont capables d'exécuter, qu'il compose des affiches comme celles dont il orna nos murs à propos d'Eve Francis, de Rahna, de Jacques Baumer, de Knock, à propos de films tels que Le Lys de la Vie, ou Rio Jim. ; qu'il groupe des estampes à légende telles que celles composées pour La Charrette ou Le ,Merle Blanc ; qu'il entreprenne de vastes ornementation telles que celle de la porte des Arts du Théâtre -aux Arts Décoratifs, ou les fresques du Perchas ou "du Moulin de la Chanson ; qu'il dessine des vignettes typographiques ou des croquis humoristiques destinés aux quotidiens, - toujours on sent en lui-même force condensée.
C'est que Bécan n'est pas de ces illustrateurs qui s'improvisent, en crayonnant dans un café ou au verso d'un programme de répétition générale, et n'ont pas donné d'autres preuves de leur adresse.
Sa culture professionnelle fut minutieuse et féconde. Il dessina d'abord des motifs de bijouterie, de tapisserie, de médailles. Il fut un professionnel avant d'être un artiste. Quand, après un tel début, on peut s'affranchir de la routine technique, c'est qu'on est doué d'une personnalité qui compte. Tel fut son cas.
Et c'est de là sans doute que - vient cette science, — on pourrait dire cette maîtrise — selon laquelle il matérialise, en une forme décorative si sûre, ses observations de psychologue et ses ardentes pensées d'artiste au grand cœur.

Paul Reboux

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