Freud écrit à Yvette

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L'éternelle jeunesse.

Une lettre d'un grand savant à une grande artiste.
Comme nous l'avions annoncé le soixante-dixième anniversaire du célèbre professeur Freud vient d'être célébré à Vienne.
La grande artiste Yvette Guilbert, qui avait joint sa voix au chœur des amis et admirateurs du grand philosophe, vient de recevoir, de ce dernier, une réponse si charmante et si spirituelle, que nous ne résistons pas au plaisir de la communiquer à nos lecteurs, avec la permission de la destinataire.

Wien, 10 rnai 1926,

Madame,
Vous dites d'une façon si charmante que l'âge de soixante-dix ans ne signifie rien pour un savant, puisque l'éternité lui est assurée par la mémoire des hommes.
Pardonnez-moi, si j'ose vous contredire. L'immortalité d'un savant est une affaire sur laquelle il ne peut point compter. On a vu des exemples où cette immortalité fut limitée & dix ou vingt ans. En outre, elle n'a aucune valeur subjective, puisqu'il ne la ressent pas.
Moi-même, d'après ce que je ressens, je suis vieux, au moins aussi vieux que mon âge. Quant à vous, les dieux paraissent vous avoir fait le don d'une jeunesse éternelle et d'un art impérissable. J'étais heureux quand quelques amis, qui vous ont entendue récemment à Berlin, me l'ont confirmé.
C'est donc avec d'autant plus de regrets que j'ai appris que votre visite à Vienne est devenue improbable. Si je me souviens bien, vous m'avez un jour assuré — en plaisantant — que vous viendriez exprès à Vienne pour que moi et les miens nous vous fêtions.
Je vous en prie, chère madame, n'escomptez pas mon immortalité, et faites assez vite, que votre plaisanterie devienne une réalité.
En vieille admiration,
Votre
Freud




Paris-Soir, 15 mai 1926.

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