Gaignebet 1974

Gaignebet.jpg



Pour déterminer le sens d’une fête populaire, il faut d’abord trouver le personnage qui y est associé. Par ailleurs, pour le grand folkloriste Van Gennep, il est clair qu’une fête correspond à un rite de passage, sditdans le temps annuel, soit dans le temps réel, de la vie : la fête sert à marquer les différences de temps. En reprenant et en développant cette thèse, on a pu montrer qu’à chaque fois qu’on veut ainsi marquer un passage dans le temps, on utilise en particulier le déguisement. La notion globale de fête suppose aussi celle de commémoration, qui dépendra toujours, très précisément, du type de calendrier qu’on aura choisi. C’est par exemple une décision importante que celle de célébrer Pâques chaque année : on inscrit délibérément la commémoration d’un événement appartenant au cycle de vie, c’est-à-dire à l’Histoire, dans le cycle annuel ; à l’origine, trois systèmes de datation de Pâques sont en présence : le calendrier lunaire (la Pâque juive est à l’origine fixée à la première pleine lune de printemps) ; le calendrier solaire (Pâques correspond à l’équinoxe de printemps, le 25 mars) ; le calendrier hebdomadaire (Pâques doit tomber un dimanche). Trois systèmes, qui ne collent pas entre eux sinon à des intervalles séculaires, sont donc en présence. Ce sont trois mesures différentes du temps, trois montres distinctes : il va falloir choisir, de ces trois mesures, celle qui dominera les autres, déterminer un ordre d’appréciation. Cet ordre dépendra forcément du rôle qu’on attachera à chacun des éléments concurrents et de leur définition liturgique : il n’est pas fortuit que l’Eglise catholique ait finalement situé la commémoration de Pâques, dans l’ordre, le dimanche— qui suit la première pleine lune— de printemps. Elle a fait un choix qui se distingue par exemple du système manichéen, qui, parce qu’il imagine que la circulation de l’âme se fait avec la lune, estime que Jésus n’a pu mourir, en priorité sur toute autre circonstance, que dans un ciel où se levait la pleine lune. Elle a fait un choix qui se distingue également du système astrologique, qui re tient avant tout la date du 25 mars, en raison de la nécessaire présence du signe du Bélier dans la mort du Christ... L’histoire des fêtes est ainsi l’histoire perpétuelle des choix entre des systèmes ou des élé ments qu’on juge importants, pour des raisons le plus souvent symboliques ou mystiques. C’est, au fond, toujours le choix entre toutes les montres possibles, tous les rythmes possibles du temps : le jeu de ces rythmes détermine l’évolution des calendriers.




Réponse à un entretien des Nouvelles Littéraires de décembre 1974, à propos de

Claude Gaignebet Le Carnaval. - Payot, 1974, coll. "Le Regard de l'histoire".


Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/5740

Haut de page