L'impétrante et la fille de l'accueil

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Négligé au moment de sa parution en janvier 2019, La Dédicace est un petit roman qui prenait patience au sommet d'une pile quiète. Probablement par le livre de la décennie, et d'une originalité discutable puisqu'il raconte la parution d'un premier livre et les affres du choix d'une dédicace au volume, il était cependant assez intrigant pour entrer de plein droit dans cette catégorie des "livres de la mauvaise conscience" qui taraude doucement, lentement, incessamment, le cerveau du critique toujours occupé à d'autres urgences. Rien n'y fait, ces livres ne cèdent pas un pouce de terrain. Ils tiennent plus que tout à leurs prérogatives. Et ilss n'ont pas tort puisque, finalement, on les aborde enfin, un jour de grand rangement, et avec gourmandise.
Comme le laissaient entendre ses toutes premières pages La Dédicace sort du lot de la production des primo-romanciers contemporains : écrit d'une plume ferme de qui a lu, constitué de phrases de bon aloi, il est étayé par un goût des mots assez choisis pour forger un verbe digne et assez sobre pour n'être pas boursouflé. C'est devenu rare.
Plus rare encore, l'esprit même que dévoile Leïla Bouherrafa : la jeune femme est aussi inspirée, pleine d'aspirations et légère qu'elle est insolente. Et ici, on aime ça.

Julie, l'hôtesse d'accueil, en bonne professionnelle m'accueille :
- Ah, c'est toi...
Et je jurerais qu'elle aurait préféré voir arriver sa ménopause.
-Oui, c'est moi.
Elle me fait patienter dans le petit salon habituel qui sent le miel et la sécurité. Elle me propose quelque chose à boire et je décline l'offre poliment bien que j'aie très soif. Je crains qu'elle n'y voie une provocation. Julie a vingt-sept ans, blonde, un master de lettres modernes option édition, des manuscrits envoyés sans retour, et se voit obligée de répondre au téléphone pour acheter ses Granola, payer l'impression de ses recueils de nouvelles et subir chaque jour l'affront de voir passer devant elle des personnes qui lui ressemblent comme deux gouttes d'eau mais qui sont plus chanceuses. A sa place, je me serais suicidée. Ou j'aurais démissionné. Je la trouvais d'un courage à faire pâlir n'importe qui.
(...)


Nous y reviendrons sous peu avec le portrait de l'éditrice... Et nous savons pertinement que les gourmandes et gourmands apprécieront.



P. S. Comme les Alamblogonautes s'en doutent bien, nous n'avons pas lu le deuxième roman de Leïla B., paru depuis. Nous serons décidément toujours en retard d'un brochage...


Leïla Bouherrafa La Dédicace. - Paris, Allary, 2019, 280 pages, 18,90 €


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