Roger de Beauvoir témoin de nos dérives

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Couverture llustrée par Zeina Abirached.

Si l’on en juge par le préambule de sa nouvelle “Un Pamphlet”, reprise dans le dernière livraison de la revue Brèves, le dandy Roger de Beauvoir (1809-1866) était parfaitement au courant des dévoiements de nos presses.
Issue du Cabaret des morts (Dumont, 1840), cette nouvelle présente tout haut, avec un siècle et demi d’avance, ce qu’il est désormais admis d’exprimer à vive voix.


L’autocratie de la presse est aujourd’hui reconnue. A l’époque de Louis XVIII elle l’était moins ; la presse n’existait, pour ainsi dire, que d’une vie factice : elle écrivait sous le manteau, et n’osait se montrer au grand soleil. C’est une chose triste à dire, mais la presse de ces temps-là se tourna toujours vers le pouvoir chaque fois qu’elle lui découvrit un caprice : elle mendia ses faveurs et caressa ses envies. La presse d’alors, il est vrai, ignorait elle-même sa force, ou plutôt n’en avait aucune ; elle en était encore à la polémique à la Voltaire, aux calomnies, aux mensonges. A part quelques consciences inaccessibles et rigoureuses, la presse était devenue l’instrument des basses flatteries, elle dénaturait tout en faveur de sa thèse du jour, ne se croyant pas appelée aux destinées qu’elle a conquises aujourd’hui ; gênée par la censure et la majorité des journaux ministériels, elle se réfugiait dans le petit scandale in-dix-huit et la biographie in-douze, comme dans un fort inexpugnable. C’est ainsi que la pensée, une fois frappée d’interdiction et privée de la discussion des intérêts publics, se replie comme un serpent blessé sur les fortunes et les gloires individuelles…


On peut lire “Un pamphlet” de Roger de Beauvoir dans Brèves, vol. 83, pp. 102-121, 12 euros.

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