Il reste des mystères sur cette planète. Les dieux en soient remerciés. Aujourd'hui, tentons d'éclaircir la question soulevée par Christian Garcin, il y a quelques jours sur l'Alamblog.
Voici tout d'abord ce qu'il nous indiquait :
"té" n'existe pas. Dans le sud, pour dire "tiens", "voilà", "allez", "c'est ainsi", "allons bon", etc., on dit "tè". L'accent est grave. (Comme le sont les austères Provençaux, selon Tacite.) Les gens du sud se demandent toujours pourquoi ceux qui sont moins du sud, lorsqu'ils veulent contrefaire leur accent, ferment toujours la voyelle, qui est grande ouverte. Aussi, cher Préfet, si vous débarquez un jour du côté de Marseille, n'oubliez pas le bon accent, le grave : "tè".
Là-dessus, tout satisfait d'avoir appris quelque chose, peuchère, nous recevons un ohlien courrier de Michel Ohl reprenant encore ce soleilleux sujet :
4 mai
Cher Eric Dussert,
Je n'ai pas saisi l'histoire du "Té", il faut vous dire que je ne peux fixer la toile que quelques petites minutes par jour (...), je n'ai donc pas toujours le temps de vraiment lire. Dans les Landes, en Onessie, où j'ai vécu 20 ans, toujours j'ai entendu et dit Té aigu. Si vous vous pointez chez Jojo Caule avec un tè grave, elle risque de vous regarder d'un oeil méfiant, et de vous servir votre Cinzano avec mauvaise grâce !
Bien entendu, l'enquête est ouverte.
Nous vous donnerons aussi des nouvelles fraîches de Michel Ohl, te (1)
(1) Pour l'heure, lire Té ou Tè, à votre convenance.
1 De Chg -
Autant pour moi - ou au temps pour moi, puisque j'ai appris récemment que les deux pouvaient se dire, ou s'écrire. Ce qui d'ailleurs m'ennuie un peu, car j'ai toujours soutenu que seul le premier était valable. Aucun rapport avec le sujet qui nous intéresse, c'est vrai, sauf que, ici comme là, je suis peut-être allé un peu vite en besogne, ne me fiant qu'à mes oreilles, qui jamais n'ont entendu autre chose que "tè", accent grave, que ce soit à Marseille, Avignon, Nîmes ou Agde (Hérault). Mais Michel Ohl a probablement raison lorsqu'il parle d'un plus lointain sud-ouest. D'ailleurs je viens de vérifier, et mon dictionnaire n'indique que cette prononciation-là, "té", qu'il qualifie d'"occitane". Même si sur ce point précis je me méfie un peu des dictionnaires, car ils sont faits à Paris, où l'on considère de beaucoup trop loin ce type de subtilités langagières pour édicter des règles les concernant. Je persiste donc, mais en précisant les choses : sur une bonne moitié du sud au moins, de Béziers à Menton ou peu s'en faut, c'est bel et bien un "tè" grave que l'on prononce.
2 De Samuel Macaigne -
Natif de Provence, fils de provençalisant, j'ai toujours entendu dire "tè". Mais, cette espèce de moins en moins rare qu'est le "Parisien" a bien du mal à distinguer tous les accents différents des Grands Suds. Les méridionaux bien trempés savent entendre tout ce qui peut paraître un même tas de parlé... Que l'on dise "tè" en Provence n'exclut pas un "té" landais - bien au contraire... Chez Mistral-le-grand-patron, je crois bien que ce "te" s'orthographie sans accent. Réouvrons Lou Pichot Tresor.
3 De E. Panorthotès -
Tè (je suis oriento-méridional), puisque nous sommes sur un blog qui ne rechigne pas devant la galèjade ("notable avancée dans la connaissance de Jean Dayros", rien que ça, peuchère), ne lésinons pas et, tant qu'à parler de Mistral, ouvrons carrément, non le Pichot Tresor (de X. de Fourvières) mais le (grand) Tresor dou Felibrige...
4 De CBP -
Dans le périmètre où j'ai grandi (Aix-Marseille et un peu plus haut, dans les terres), j'ai entendu té et tè, et téè. Il me semble que plus le "te" traîne plus il est tè, téèèè (languissant, lassé, mais pas bêlant, gare). On dit gas' ou gaz. Par contre, vé, unique et immuable, restera toujours vé. Vé le, lui, i va finir par s'empèguer.
5 De ArD -
Tè : Tiens, prends, empoigne !
Le Nouveau Dictionnaire provençal-français, d'Emile Garcin, 1823.
Tè vé! ce qui importe, c'est le français de Marseille !
"Paris, le grand Paris, sera toujours la capitale de la France indivisible, Rome la capitale de l'Italie et de la Chrétienté, Madrid la capitale de toutes les Espagnes. Mais si Marseille songe à grandir toujours davantage sa personalité, non seulement par le commerce, mais par les arts et par les lettres, mais par le culte de sa langue, de sa langue romane, qui porte dans son nom comme pronostic de nos destinées, oui, si Marseille songe à garder longtemps encore sa couleur provençale et sa grace exquise de reine de Provence, Marseille deviendra, c'est moi qui vous le dis, la capitale resplendissante de cet empire de lumière, de paix, de poésie, que les Félibres appellent "l'Empire du Soleil !". "
F. Mistral, Conférence au cercle artistique de Marseille, 25.XI.1882.
Il ne fait pas bon de travailler quand la cigale chante. Plutôt que de douter, le Préfet devrait se reposer et prendre un peu le soleil.
6 De Samuel Macaigne -
Je profite de la remarque de M. Panorthotès pour préciser que le dictionnaire de Mistral peut sans doute donner toutes les variations du "te", puisque même nos amis languedociens (et même gascons!) l'utilisent ! Quant à Xavier de Fourvières, il faudrait s'intéresser à ce sympathique personnage...
7 De Lou Pescadou -
Xavier de Fourvières... Xavier de Fourvières... Si les Lyonnois s'en meslent nous n'en sortirons point.
8 De Andriéu -
Je tombe par hasard sur ce blog qui date maintenant mais je ne résiste pas à l'envie d'y ajouter ma contribution. Pour l'expression "Tè" référons-nous à la bible en la matière, "Lou tresor dóu Delibrige" Dictionnaire embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne de Frédéric MISTRAL :
"Tè" : impératif du verbe teni (tenir) et exclamatif de surprise (tiens, prends, regarde. C'est bien avec un accent grave qu'il faut l'écrire.
Bèn lou bon jour!