Jeunesse d'Alcanter

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(...) ALCANTER DE BRAHM, primate dolichocéphale, très dolicho, au chef ombragé d'une chevelure calamistrée galamment, dont Fortunio dirait que le soleil «. la dore et qu'elle est blonde comme l'Hébé » de la brasserie où je passe mes soirées à prêcher les doctrines anarchistes. Cette tête fière, toujours en équilibre, repose avec quiétude sur la première vertèbre cervicale, sans se pencher jamais, jamais ! Immobile et dédaigneuse, laissant au repos les muscles sterno-hyoïdien, omoplathyoïdicn, slerno-cléido-mastoïdien et trapèze ; — doux noms ! D'ailleurs, rictus suffisamment satanique, œil monocle comme il sied aux disciples de Scholl, allure Montmartroise d'un Masher de la Butte, à l'aise dans les salons de l'Elysées-Montmartre. Circumchahutez, débris du monde enduit de C6H2 (Az06H)3, vous pourrez tourbillonner autour d'A. de B. sans que le plus fugitif émoi vienne ravacholer son front, impavide emmi les ruines. Voici SAINT-JEAN, dont on connaît toutes les herbes : esprit objectif, fortune insolente, système pileux très développé. Conrartiquement silencieux avec les inconnus, cette constipation verbale ne résiste pas à l'Hunyadi-Janos tics laxatives sympathies. Littérateur discret, il découpe des phrases d'une élégance menue, avant de les vernir de poésie, amoureusement ; alors, avec le rire muet du trappeur, il les regarde luire. Une grande dame, une très grande dame, la baronne X...(vous l'avez reconnue) m'a confié que des sombres cheveux de Saint-Jean se dégagent des effluves « délicieuses » comme dit la jeune bourgeoisie, toujours, et la jeune littérature, quelquefois.
Poilante, leur technique. Jamais, — fût-ce devant les alexandrins de l'âge de pierre taillés par Leconte de Lisle, ou les strophes ductiles qu'étirent de trop roublards praticiens, chipeurs de métaux à La Forge des Complaintes — jamais je ne ressentis d'impression aussi poilante. Tantôt, Alcanter de Jean, grâce à une consommation d'apostrophes dont on ne trouverait l'équivalent que dans les plus incandescentes vociférations oratoires de Paul Déroulède, mue cette indication topographique « Près de l'Ecole de médecine », en un hexapode « Près d'I'Ecol' de méd'cine », car Moréas lui-même ne manie pas plus audacieusement l'apocope. Tantôt Saint Brahm, s'amuse à la Messe des Oiseaux, parodie dont la finesse n'a pas été comprise de tous, notamment de M. Brunetière qui l'a passée sous silence au cours de ses récentes conférences odéonesques ; il accumule l'ingénuité des hiatus, la puérilité voulue des énumérations ornithologiques, la naïve fraîcheur des sensations et les ruisselets et les cou-cou, et les cui-cui, à faire crever «le jalousie le spécialiste Jean Rameau. Pour synthétiser en un seul mot mon jugement sur cette œuvre, je n'hésite pas à la déclarer... Poilante. (...)


Willy Soirées perdues (Paris, Tresse & Stock, 1894, pp. 215-216)


Alcanter de Brahm est alors, avec Saint-Jean, l'auteur de Chansons poilantes (Alcanter et Saint-Jean, Au Nouvel Echo, 1892).

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