Georges Navel, par Roger Parry (Librairie J.-F. Fourcade)
En marge de la littérature prolétarienne d'Henry Poulaille, du populisme en vogue dans les années 1920-1930, voici l'argument de la collection "Les Écrivains-Ouvriers" de Marcel Auger dont la publication était projetée par les éditions Doll de Bourg-sur-Gironde (aucune preuve de publication nulle part...). Le manifeste est issu de Critique 38 (M.-Ph. Delatte dir., n° 12, mai 1939, p. 7)
Les Écrivains-ouvriers
Les écrivains-ouvriers ? Eh ! oui, ils existent !
L'ouvrier n'est pas forcément le type d'"abruti au cabaret" ou de "domestique sans cerveau" que l'on se plaît à imaginer dans certain clan de la société.
L'ouvrier est capable d'occuper ses loisirs intelligemment.
% C'est ainsi que les Écrivains-Ouvriers ont quelque chose à dire. Et s'ils le disent avec maladresse, ce n'est pas sans sincérité, car ils placent le cœur au-dessus de tout. ils œuvrent dans un style non commercial et leurs écrits ne sont que les messages de la Vie elle-même. Voulez-vous des noms ? Des noms jeunes ? Je prends au hasard : Noël Saint-Martin, Maurice Pernette, Joseph Budin, Gérard d'Orbe (mon cher compagnon d'usine), Georges Lançon, Léopold Compain...
Il y en a d'autres, beaucoup d'autres. De moins connus, qui écrivent dans leur solitude, comme nous tous, le soir, après la dure journée d'atelier. Ils ignorent ces nombreuses petites revues (la Tribune des Jeunes est la plus hospitalière aux témoignages d'ouvriers) qui les publieraient avec plaisir.
Ils nous ignorent aussi, parce que nous travaillons parmi mille difficultés.
Le "grand public" boude les écrivains-ouvriers. Il semble se nourrir exclusivement de "littérature professionnelle" ou de copie "populiste".
Mais l'écrivain-ouvrier peut se passer du grand public. Il sait mieux que personne le ravage du matérialisme dans la société contemporaine.
Dans le régime actuel, s'il peut toucher quelques hommes de cœur, il estimera avoir reçu sa récompense.
Car il aura rencontré l'Humain.
Marcel Auger
Marcel Auger, né le 3 avril 1918, était typographe, et fondateur des "Feuillets poétiques et littéraires". Il publia sous le pseudonyme de Marjan. Le seul titre annoncé en souscription à la date de juillet 1939 est Rupture de Maurice Pernette (prix des Artistes Populaires 1939), et sa parution ultérieure n'est pas certaine. Mais la revue Critique 38 du libraire du XVIe arrondissement Max Philippe Delatte signale aussi la parution du collectif Les Poètes ouvriers du livre où figuraient les écrits de Marcel Auger, Bruneau, Buchot, Cuguillière, Liliane Decize, Dumoulin, Gérard d’Orbe, Jean Marget, Maurice Pernette (Club typographique de Paris).
Une ferme incitation à relire... le chef-d’œuvre de Georges Navel, par exemple.
Georges Navel Travaux. Préface de Paul Géraldy. — Paris, Stock, 1945 ; rééd. coll. "Folio", 1979.