Lebaudy laisse esbaudi (mon royaume pour un spritz !)

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En 1997 et avec gourmandise, Bruno Fuligni avait fait dans L'Etat c'est moi (Éditions de Paris, 1998), l'histoire des monarchies privées, principautés de fantaisie et autres républiques pirates. Deux ans plus tard c'était au tour d'Henry Troyat de s'offrir le tableau de la famille Lebaudy dans Les Turbulences d'une grande famille (Grasset & Fasquelle, 1999) et voici que Philippe Di Folco a mené l'enquête biographique pour tenter de cerne "L'Empereur du Sahara", farouche original qui défraya assez la chronique pour laisser des traces.
Tout repose à peu près sur le souvenir qu'a laissé Georges Benoit-Guyot dans ses Colonisations manquées (J. de Gigord, 1948) où, tout à côté du marquis de Rays à "Port-Breton" (Nouvelle-Zélande) réside Jacques Lebaudy, l'Empereur du Sahara désireux de faire fructifier le sud du Maroc qui fit tant jaser.
Comme le rappelle Claude Marsey dans Floréal en février 1921, deux ans après sa mort seulement :

Qui ne se souvient enfin de l'étrange équipée de Jacques Lebaudy se proclamant, en 1903, empereur du Sahara ? La chronique parisienne s'occupa longtemps de lui. Il put croire un moment faire trembler les gouvernements. Il croyait fermement à sa destinée royale. Il déploya pour édifier son trône, une ténacité incroyable. A un moment même on peut dire qu'il avait réussi et l'on suivait, avec une curiosité amusée, ses efforts dignes d'une autre cause. Jamais l'on ne fut plus tenace en ses desseins. Le Sahara eut. pendant un certain temps, son roi — le roi du désert — le roi des solitudes. Mais, ce royaume tomba comme les autres. Jacques Lebaudy fut tué par une femme jalouse, à New-York, où il s'était retiré. Il ne restera plus de l'aventure que des joyeux couplets de revue.
Pour ma part, je me souviens des vers d'un chansonnier de Montmartre, prophétisant à cet empereur de carton, dont la fortune s'était faite, on ne l'ignore pas, dans la raffinerie :
Très fier de son rôle officiel,
Il se montr' tout sucre et tout miel.
La seul' chos' qui n'soit pas sucrée,
C'est la not' qui sera salée


La biographie de Philippe Di Folco, fluide et documentée, rend à cet oiseau toutes ses plumes : riche héritier de l'industrie sucrière française, être colérique et exubérant, bientôt boulevardier et géopoliticien raté, roi sans couronne blagué dans la presse - et jusque dans les publicités - finalement assassiné au cœur d'une époque qui scelle le XIXe siècle sur une époque pleine de rêves sans doute, mais aussi riche de désordres sans bornes. Preuve sans doute d'une outrecuidante santé et d'un sacré estomac chez les héritiers excentriques.
Voyage chez un hurluberlu.


Philippe di Folco L'Empereur du Sahara. - Paris, Galaade, 186 pages, 17 €

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