Joseph Cheneraille

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On confondra les livres de Joseph Cheneraille avec nuls autres, faute d'insignifiance.
Il est professeur agrégé et monte sa littérature à l'ancienne, en artisan qui prend son temps, sans concession à la trépidation, à la transparence ou au sens commun — l'artisan de métier a souvent peu d'égards pour l'usage commun, en particulier quand ils dérogent à ses principes. Alors, en pratique, Cheneraille fait des phrases dont il fait des livres, mais ce sont des phrases bien à lui, chevillées à l'unité et soudées à l'ensemble avec une plasticité étonnante. On pourrait même dire fondues en un bloc tant elles ont l'air passée par un magma unifiant.
D'abord auteur d'une prose historique intitulée Le Grand Ciel (2012), où il retraçait le destin de la Reine Claude, épouse du dauphin François, il en est venu à sa propre histoire, plus noueuse tout à coup — plus intéressante adoncque —, exprimant avec une respiration bien différente la mystérieuse circulation des fluides familiaux, le partage des instincts et la permanence des deuils. Et là encore règne la mère, et la mère de la mère... Sans parler d'une litanie de Joseph dont la famille semble perpétuer le secret de fabrique.
Pas question de dévoiler quoi que ce soit de ce récit d'enfance. Il laisse du jeune Joseph l'image du solitaire qu'un enfant est toujours, incompris, désireux de peu d'objets et atteignant de rares jouissances, vivant en somme dans l'interrogation et dans une merveilleuse confusion des fantasmes et fantasmagories personnels et de l'univers auvergnat (bien sûr, c'est de là que ses phrases roulent du caillou) qui l'entoure avec son lot de salles de classe et de personnages tutélaires.
Sans aller jusqu'à le comparer aux plus noueux des auteurs d'autrefois, disons que Joseph Cheneraille appartient à une caste bien particulière des prosateurs dont un rejeton apparaît une fois par décennie : des auteurs capables de se forger, Héphaïstos du verbe, une langue.
Une découverte à faire sans faute pour rendre un sens au mot "rentrée".



Joseph Cheneraille La Bête ravissante en forme de loup. — Seyssel, Champ Vallon, 96 p., 13 €
Le Grand Ciel. — Seyssel, Champ Vallon, 2012, 160 p. 16 €


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