L'Iliazd club et le débat des mots inconnus

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On sait que les jeunes ambitieux ont tendance à se montrer exubérants, et par là même exorbitants. C'était en particulier le cas d'Isidore Isou qui lassa tout le monde assez rapidement. Il avait prétendu révolutionner la poésie en remettant au menu de vieilles recettes futuristes et dada — en remontant encore un peu on aurait sans doute pu trouver des bohèmes et des romantiques frénétiques bien aussi fondés que lui dans l'art de la lettre et du bruit de bouche.
On devine que la thèse d'Isou dans Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique de 1946 est contrefaite, et avec plus de trente ans de retard, quand bien même il tente de vêtir son propos de tissus nouveaux, qu'il va être contraint d'emberlificoter de plus en plus avec le temps d'oripeaux verbeux et hyperboliques. Bref, il gasconna.
Iliazd, typographe et poète ne laissa pas passer l'inculture et entra en polémique avec le bouillant branché. Il s'ensuivit des échanges de 1946 à 1950 que relate Françoise Le Gris, et la publication par Iliiazd d'un livre essentiel, en tout cas aussi important que son édition de Ledentu le Phare : Poésie de Mots inconnus.
Après une première conférence présidée par Camile Bryen qui finit en pugilat, "Après nous le lettrisme", Iliazd passa en effet à l'offensive en composant son anthologie de textes dont les dates de publication ne trompent pas. Exemples : Nicolas Beauduin (1919), Jacques Audiberti (1948), Pierre Albert-Birot (1917), Camille Bryen (1932), et puis évidemment Hugo Ball (1917), Kurt Shwitters (1927), Raoul Haussmann (1918), Eugène Jolas (1933), Vélimir Khlebnikov (1912), Michel Seuphor "Tout en roulant les RR" (1928), etc.
Datés de 1910 à 1948, ces écrits prouvent la préexistence de textes visuels et/ou phonétiques basés sur la désarticulation du langage, le néologisme et l'expérimentation chez les futuristes russes (Khlébnikov, Krutchonykh, Poplavsky, Térentiev, Akinsemoyin, Iliazd) et chez Dada (Arp, Ball, Hausmann, Schwitters, Tzara), ou d'indépendants et compagnons des mouvements précédents comme Albert-Birot, Artaud, Audiberti, Seuphor ou Bryen. Le tout étant illustré par Arp, Braque, Bryen Chagall, Dominguez, Férat, Giacometti, Gleizes, Hausmann, Laurens, Léger, Magnelli, Masson, Matisse, Metzinger, Miro, Picasso, Survage, Tauber-Arp, Tytgat, Villon, Wols, Ribemont-Dessaignes...
Très bibliophile pour l'heure, donc inaccessible, cette anthologie mériterait sans aucun doute de reparaître dans une version abordable. L'Iliazd Club pourrait-il quelque chose pour nous ?



Les Carnets de l'Iliazd Club (2014) : Poésie des mots inconnus et le débat lettriste, 270 pages + 1 dépliant et 54 pages quadrichromie, illustrations in-texte, 30 €
Sommaire :
"Poésie de mots inconnus" et le débat lettriste : prétexte et contexte, par Françoise Le Gris D'un texte à l'autre, Iliazd-Isou, une confrontation, par Régis Gayraud Iliazd et la série C de la Boîte-en-valise de Marcel Duchamp, par Antoine Perriol Iliazd : "La Cause occulte de l'abdication du roi Edouard VIII", manuscrit présenté et annoté par François Mairé

Iliazd-Club
24 rue de Vintimille
75009 Paris

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