La soeur de Salammbô

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Au coeur d'un Japon archaïque, Soleil éclaire la vengeance de la princesse Himiko outragée par les hommes. Voilà qui paraît net, simple, direct. Inspiré par la lecture des récits anciens et, plus étonnament, de la Salammbô de Flaubert, Nichirin publié en 1923 dans les pages de la revue Shinsôsetsu, est l'un des tous premiers tours de force du jeune Yokomitsu Riichi (1898-1947).
Ami de Kawabata, il appartient à la nouvelle école des sensations, le groupe « Shinkankakuha-ha ». Et c'est dans le cadre de cette quête esthétique commune liant dans une volonté de dépassement le réalisme et le roman prolétarien que Riichi donnera en 1930 un livre qu'on aimerait découvrir aussi un jour, son roman Machine, après cet audacieux Soleil et La Mouche, qu'on aimera lire aussi.
Pour l'heure, c'est sonSoleil qu'il nous est donné de lire et l'on se régale de ce récit plein de caractère et de noblesse qui semble presque (pour un lecteur de France) l'imparable réponse du berger à la bergère de Riichi à La Cité des sourires de Jane de La Vaudère, roman certes exotique fort aguichant mais nettement moins forgé. Il est vrai que Riichi est un écrivain de l'audace et de la foison, nous dit son traducteur Benoît Grévin, même s'il fait dense et court. Il sait rendre "la beauté fauve des grands mythes", ce qui change tout, en particulier car il sait faire "chanter" ses locuteurs qui dialoguent en mélopées, et parce qu'autour des épées, des hitokonokamis et des autres dignitaires, des "nattes de zizanie" règne l'exaltation de la vie sensuelle de la belle Himiko, dans une nature luxuriante d'un temps protohistorique.
Benoit Grévin ne peut dire mieux : Riichi a inventé la soeur de Salammbô.


Yokomitsu Riichi Soleil, traduit du japonais et postfacé par Benoît Grévin. — Toulouse-Marseille, Anacharsis.128 pages, 16 €

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