Une momie met le feu aux cendres d'Huguenin

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Qu'il est bon de voir paraître de nouveaux journaux littéraires. Tandis que renaît de ses cendres la Nouvelle Quinzaine littéraire grâce à un adjectif initial plein de promesses (1), surgit Raskar Kapac, brave momie d'Indien héritée d'Hergé qui s'est incarnée en huit pages bicolore. Ses ambitions, probablement moins généralistes que celles de la NQL, commencent par un numéro d'hommage à un grand ancien, Jean-René Huguenin (1936-1962), romancier d'époque hussarde fauché dans un accident de voiture huit jours avant que ne meure Nimier à son tour.
Huguenin, c'est le fringant auteur de La Côté sauvage (Le Seuil, 1960), dont le Journal 1955-1962 (édition intégrale, Le Seuil, 1993) a fasciné nombre de lecteurs, en particulier par l'expression de sa rigueur aristocratique - qui lui vaut un engouement tout particulier du côté droit du champ politique. Sa littérature, amputée de sa partie mûre naturellement, mais mue par le feu de la jeunesse, est ce que l'on retrouve dans ce premier Raskar Kapac dont trois jeunes hommes espèrent faire une publication durable. (Au passage : on s'abonne pour 25 €).
« Personne pour nous applaudir, presque rien pour nous encourager, et pourtant rester digne, rester un homme d’honneur », écrivait Huguenin, et c'est de circonstance. Mais depuis une vingtaine d'années - et l'édition du journal intégral - les occasions de remettre Huguenin en lumière n'ont pas manqué. Depuis les inédits publiés par Assayas en 1987 jusqu'à la biographie (que nous n'avons pas lue) de Jérôme Michel en 2013 (Un jeune mort d'autrefois, P.-G. de Roux) en passant par Je rends heureux publié au Signe de la licorne avec des textes de Julien Gracq, Dominique Pradelle, Didier Da Silva en 1999, les signes de reconnaissance ne manquent plus guère. Ici c'est l'entretien avec Chrsitian Dedet, témoin d'Huguenin dans ses jeunes années, qui complète très utilement le dossier. Huguenin qui n'aimait pas la tiédeur, Huguenin bretteur, Huguenin jeune homme en somme. Et puis grâce à la soeur d'Huguenin, trois petits textes - en particulier une scène de tonte de femmes à la Libération - illustrent le dossier... Finalement, en huit pages, qu'est-ce qu'on peut mettre ! Une photographie montre même Huguenin aux côtés de son confrère Jean-Edern dans une barque... Alors on se demande, s'il avait vécu, quel polémiste serait Huguenin devenu ? De même, ce Raskar Kapac que nous offrira-t-il ensuite ? Et oui, c'est la question qui s'impose : qu'y a-t-il donc au menu ? La curiosité gagne. Comme l'on pense, l'éloge de bonnes choses déjà identifiée n'est pas une gageure. Si cette momie est bien "de la race de ceux qui chantent sur le bûcher" ainsi qu'en témoigne son sous-titre, elle ne peut en rester aux annonces de "dépoussiérage" de la critique littéraire. Raskar doit maintenant nous faire voir de quel bois il se brûle.


Raskar Kapac (n° 1, février-mars 2016, 3 €)
raskarkapac@outlook.fr

(1) Le crédit du journal de Maurice Nadeau s'était dispersé comme graines de pissenlit au vent durant le dernier lustre de son fondateur. Au point qu'on n'accordait pas plus d'importance à ses règlements de compte inter-universitaires qu'aux "dossiers" parfois calamiteux du Magazine littéraire. (le titre Nouvelles littéraires reste en jachère).

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