Le motif de la curiosité

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Ce jour, le motif de la curiosité du Préfet maritime, c'est un petit volume des éditions des Presses de l'université de Québec, Je ferme les yeux pour couvrir l'obscurité de Kelly Berthelsen, Groenlandais né en 1967. Il vit à Gaqortoq, à quelques kilomètres du village inuit où il est né, Ammasivik. Son livre paru en janvier dernier en France surprend nos habitudes de lecteurs qui attendent des panoramas grandioses parcourus d'aiguillons de froid, d'éclats d'eau chaude et de nuages volcaniques. Et c'est une visite à un monde terrible que nous convie ce recueil, un monde où les êtres sont "rongés de pensées noires, de haine, de révolte et d’un profond désarroi moral et social". Faut-il ajouter qu'il y a quelque chose chez Berthelsen qui nous évoque Patricia Grace la Néo-Zélandaise ?


Je demande à mon ami préféré dans le monde de l'électricité s'il a vu l'obscurité qui se déverse des yeux des hommes. Non, il n' pas vu. C'est bizarre, car je vois l'obscurité tous les jours et je vois aussi tous les jours l'obscurité se déverses des hauts-parleurs de la radio. Et chaque fois que j'allume la télévision, je suis obligé de l'éteindre de nouveau, avant que la pièce ne devienne toute sombre. Peut-être a-t-il été endommagé par le monde de l'électricité et ne voit-il pas l'obscurité. Peut-être son âme s'est-elle brisée. Ou peut-être est-il sen train de perdre la vue. Pauvre homme, il risque d'être avalé par l'obscurité puisqu'il ne la voit pas.
J'éteins l'électricité et je me dépêche de m'habiller dans le noir. Parce que maintenant je m'apprête à avaler la seule lumière de ma vie. Je sors le paquet de lumière de ma poche et mes mains tremblent, j'ai la gorge nouée tant la lumière me manque. J'en avale, un et demi, parce que neveux être là où le soleil brille. Je les mastique d'abord dans la bouche, parce que comme ça le monde s'éclaircit plus vite.




Kelly Berthelsen Je ferme les yeux pour couvrir l'obscurité. Traduction du danois par Inès Jorgensen. Commentaire de Daniel Chartier. - Presses universitaires de Québec, 2015, coll. "Jardin de givre", 188 pages, 16 €

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