Papier machine

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Le Salon des revues a ceci de passionnant qu'on y découvre dans la profusion ce qu'on peine la plupart du temps à découvrir ailleurs. (Quelques exceptions chez les libraires néanmoins).
Cette année, sur une table particulièrement avenante, celle qui faisait face à une autre table particulièrement avenante (où trônaient Europe, CCP et Le Cahier du Refuge), se trouvaient côte à côte trois revues qui donnent la mesure : L'Ours blanc (nous allons y revenir), La Moitié du fourbi et Papier machine.
Toutes les trois méritent d'être suivies parce qu'elles incarnent une dynamique d'aujourd'hui et font œuvre de proposition constructive. On sait bien que les revues sont lancées pour vivre et mourir, et, naturellement, l'attention se porte toujours sur les dernières lancées. Elles tirent même à elles toute l'attention. Elles paraissent plus fraîches, plus nerveuses aussi, jusqu'à l'égarement parfois, et suscitent autant d'espoirs que de curiosité. Lesquels ne sont pas déçus puisque qu'avec La Moitié du fourbi, L'Ours blanc et Papier machine, on se trouve en compagnie bénéfique et partageuse.
Pour commencer, Papier machine donc, dont le berceau a été posé en Belgique par une bande de bashibouzouks, c'est du moins le nom de l'association éditrice. Sous divers mots d'ordre (c'est bien le cas de le dire), l'équipe très ramassée propose des livraisons thématiques rassemblées sur la base d'appels aux contributions inspirées par un mot.

Qui ne dit mot consent.

C'est le sous-titre de Papier Machine, qui incite dès ses feuilles de garde, et grâce à un collage d'Adèle Jacot, à rester smart, au moins comme David Niven :

seul ou en famille
Toujours Nickel

dit-elle. Et la revue, dont le mot de passe était "Coin" (n° 4) est très nickel en effet.
Son édito, illustré par de très beaux modèles de bashibouzouk (littéralement tête qui échappe à la norme, donc irrégulière), versé dans les affres de l'enjeu de la "Pertinence" du sommaire donne ceci :

Les questions en fleur de la première année avaient, en tombant graine, donné naissance à des nouvelles questions qui parsemaient les collines alentours et attendaient d'être découvertes. Il vint à l'esprit de l'un des bashibouzouk qu'ils pourraient dresser les abeilles afin de pouvoir explorer grâce à elle, chacune des corolles, chacun des calices. Aussitôt dit, aussitôt fait.
Mais au printemps de la troisième année, les questions s'étendaient à perte de vue dans toutes les directions. Les graines de la deuxième année avaient à leur tour engendré les fleurs de la troisième année. Bientôt, les abeilles ne suffisant plus, ils dressèrent chèvres et papillons, mais échouèrent pour à visiter chaque question.
Au matin de la quatrième année, ils n'étaient pas plus avancés. Ils avaient le regard hagard et l'esprit gélatineux. Alors, ils abandonnèrent toute méthode, tirant un trait définitif sur l'exhaustif. De toutes les façons, dit l'un, je n'ai jamais aimé ce mot. D'un autre côté, dit l'autre, il faut bien apprendre à renoncer. Et c'est ainsi que le hasard devint la boussole des bashibouzouk et de la reproduction des plantes à question.


Équilibrée malgré ces dires, et très surprenante il est vrai, riche mais sans excès, graphique mais sans pose, largement ouverte aux nouveaux venus, elle est capable d'offrir de la broderie topographique moderne (Doriane Millet), des chiens qui gagnent leur laisse, des polyglottes et des confusionnistes, de l'économie et de l'architecture, des télépathes ambulants, de la spéléo Box et de la "boucle étrange", des photos (en particulier le cimetière miniature de Louise Devin), des dessins magnifiques, des oreilles d'âne qu'on met au coin, des coings (bien sûr), des chausses-trappes et des créations, jusqu'au petit coin, forcément, et à la niche écologique, qui ressemble plutôt à une cabane sympa, à un bon petit coin douillet pour passer l'automne. Pour dire les choses simplement, c'est "de l'oxygène en grande quantité" (R. Imaggiolo) que répand Papier Machine.
Si la rédaction déterminée de Papier Machine est parvenue à avancer sans se taper dans le "coin", souhaitons lui de pouvoir dès le prochain numéro marcher sur un "Oeuf".


P. S. Page 96, un jeu d'Aïnhoa Jean-Calmettes "sous le radar" qui nous explique que sur Wikipédia, en cliquant sur le premier lien de n'importe quelle page (sauf lien entre parenthèses ou entre guillemets) puis encore et encore, on finit toujours par tomber sur "Philosophie". Nous avons fait le test en partant de "piano" et nous sommes tombés dans une boucle connaissance (philosophie)/science/connaissance (philosophie)/science, etc. Il faut remarquer que la démonstration fonctionne presque puisque le deuxième lien de la page "Connaissance (philosophie)" renvoie vers le premier mot : science et puis vers un deuxième mot : "Philosophie". On y était presque.
On n'en déduira rien à propos de Glenn Gould.


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