Hommage de l'auteur absent de Paris

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"Hommage de l'auteur absent de Paris". On sait que cette mention figure sur des bristol que les éditeurs placent dans les livres d'auteurs empêchés de signer le jour dit leur service de presse dans les locaux de la "maison".
Cet usage paraît avoir été inventé contre toute tradition par André Gide lui-même, et encore assez jeune. Souvent en déplacements, il en avait fait imprimer pour son compte à la fin de XIXe siècle - voilà donc encore une histoire des usages littéraires à écrire, celle des cartes de service de presse...
En y regardant de près, le Préfet maritime - qui n'est favorable à aucune évacuation de terre agricole ou collectiviste sur son île, soyons bien clairs - s'est aperçu que trois ouvrages référencés ci-dessous portent le même titre : "Homme de l'auteur absent de Paris".
Tous les trois ont évoqué le monde de l'édition, grande ou familiale, sur des registres plus ou moins fictionnels. Le dernier en date, le plus drôle sans contredit, a été écrit par une attachée de presse, Emmanuelle Allibert, qui connaît bien son milieu et ses pratiques (elle travaille chez Lattès) parfois étonnantes, voire dégrisantes, en tout cas très éloignées du rêve des jeunes premières et premiers de la littérature. (Non le monde de l'édition ne ressemble pas à ce que l'on vous a montré dans les films : jamais (1) ). Désormais admise à l'autorat elle-même, on se demande qu'elle peut bien être le nouvel avis d'Emmanuelle Allibert sur ces questions et en particulier sur les rapports que l'auteur entretient avec son milieu, comme dirait l'autre.
On peut d'ores et déjà noter que son roman est une satire bien emballée lancée à un train d'enfer. On peut regretter qu'elle ne soit pas plus souvent sortie de la charge un peu téléphonée mais allègre pour tenter le texte vraiment littéraire, car on n'en est parfois pas loin, et, surtout, on devine qu'elle en a les moyens. Mais les temps sont ce qu'ils sont, il faut faire vite, surtout quand on est un auteur (l'éditeur attend le manuscrit). La satire, parfois teintée d'une pointe de vacherie (elle a dû en subir des zozos...) contre ce pauvre vieil auteur qui est, il faut bien le dire, d'un tarte absolu. Le cynisme d'une interprofession à la fois snob et creuse forçant évidemment le contraste.
La moquerie carabinée est bien méritée. Car le cas de l'auteur est simple : il semble incapable de saisir où il se situe, et en matière de relations humaines, et en dans la chaîne alimentaire. Ce décalage en fait un pitre, détestable parfois, et tout cela, au fond, relève d'une simple observation d'un cas psychologique assez banal. Mais n'y a-t-ill que ce cas-là ?
Pour une raison qu'on ne s'explique pas non plus, l'auteur est dans ce livre forcément masculin et grotesque. On aimerait maintenant lire le pendant féminin de cette moqueuse peinture. Puisque les romancières, les nouvellistes, les essayistes et les poètes sont aussi et surtout des femmes désormais, le livre d'Emmanuelle Allibert est sociologiquement très lacunaire, c'est d'ailleurs son principal défaut. De plus, on ne voudrait pas être amené à la conclusion que seul le désir de l'auteur mâle serait ridicule. Même s'il en fait des tonnes, cet imbécile, en toute innocence mais en toute vanité, autant que son attachée de presse sourit dans le vide, professionnelle jusqu'au bout des lunettes mais un peu inutile, élément du décor, comme l'auteur lui-même, des villages Potemkine de l'édition en marche.



Norman Corti Hommage de l'auteur absent de Paris. - Paris, Ramsay, 1989, p.
Yves Frémion Hommage de l'auteur absent de Paris. Carnets de voyage, 1986-1995. - Paris, Atelier du Tayrac, 2003, n. p. (66 p.), coll. "Tripes", (n° 13).
Emmanuelle Allibert Hommage de l'auteur absent de Paris. - Paris, Léo Scheer, 2015, 213 p.



(1) Si c'est le cas, fuyez (aussi).


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