L'Alamblog

Jean-Baptiste Baronian manifeste une énergie remarquable ces derniers temps. Après de multiples livres dont les plus récents ont su se laisser remarquer (son Dictionnaire amoureux de la Belgique d'abord, et puis son Baudelaire au pays des singes), ce membre de l'Académie royale de Belgique, et président des Amis de Georges Simenon, livre ses souvenirs d'enfance à Bruxelles.
Né en 1942, il est l'enfant de parents arméniens. La nationalité n'est pas ce qui fait particulièrement de lui un étranger ; disons qu'au moment où l'enfant s'éveille au monde, tout lui est étranger. Jusqu'aux mots nouveaux qu'il collectionne patiemment dès lors qu'ils lui plaisent.
De santé faiblarde, curieux de tout, et en particulier de livres et de musique, le jeune Alexandre ne néglige pas le football (c'est l"époque de Rik Coppens, pour ceux à qui cela dira quelque chose), bien au contraire. Plutôt bien entouré, il vit auprès d'une mère, considérée à moult reprises comme une sainte, qui coud comme une fée et qui raconte chaque matin ses drôles de rêve, d'un père furieux contre tous les lâcheurs du peuple arménien, chrétiens compris, qui n'ont pas levé le petit doigt à partir du 24 avril 1915, une soeur délicieusement nommée Nectar que le piano barbe, mais barbe, et une grand-mère qui refuse d'apprendre le français, plus toute une théorie de voisins, copains de classe, profs, jésuites et tutti frutti.
Le récit est livré par chapitres souples et courts qui contiennent chacun de beaux portraits, enlevés. L'univers d'un enfant, centré par la force des choses sur quelques rares pôles, lui offre l'occasion d'aperçus prolongés - et pas seulement ses séjours en classe - tout spécialement propices aux observations pointues. D'où ressort, le plus souvent, l'aspect grotesque ou subversif des scènes enregistrées par sa mémoire. Un témoignage plein de charme donc, doublé d'un exercice de piété filiale.


Jean-Baptiste Baronian Le Petit Arménien. - Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 200 pages, 18 €