Pour inaugurer la collection de poche des éditions L'Arbre vengeur, quoi de mieux que la merveille de Léon Bonneff, l'écrivain prolétarien majeur du siècle dernier, celui qui inspira toute une génération de travailleurs et les poussa à prendre la plume, celui qui, avec son frère Maurice, ouvrit avec Lucien Descaves et quelques autres êtres conscients la littérature prolétarienne.
Une littérature d'ouvriers et de paysans, de petits artisans et de gens de peu, une littérature qui, bien avant toutes les "littératures de l'intime", avant toutes les "littératures-monde" disaient l'intimité des souffrances et la vie collective du monde que des générations de littérateurs bourgeois étaient parvenus à ne pas voir. IL avait valu Cladel et Zola, Vallès et Louise pour, Hugo parfois même, pour commencer à déchirer le paravent.
Léon Bonneff apparait donc avec son frère comme une étape dans la littérature française disciple de Zola et précurseur des grands engagés qui viendront durant les décennies suivantes.
Son livre, basé sur les notes qu'il avait prises lors de ses nombreux reportages (Marchands de folie, sur les cafés et cabarets, sur les conditions de travail terribles des différents corps de métier)
Comme le rappelle l'éditeur, Aubervilliers est alors une ville terrible et charmante, « la corbeille du Printemps et la chaudière de l’enfer ». On y cultive les fleurs mais on y meurt aussi dans les effluves d’une industrie impitoyable.
Avec ce livre qui ouvre la voie à toute une génération d’écrivains engagés, Léon Bonneff a composé une œuvre pleine d’empathie, de colère et parfois d’humour. Il restitue la vie de ce faubourg et de ces figures fières et misérables. Écrit à hauteur d’homme, il nous rappelle que la littérature sait parfois se faire l’écho puissant d’un monde où manquent les mots.
La même collection de poche, bientôt profuse, propose les exceptionnels Piotrus de Léo Lipski et d'Aménagements successifs d'un jardin à C., en Bourgogne, suivi d'Argumentation de Linès-Fellow de Jean-Marc Aubert, ce dernier avec une préface d'Eric Chevillard.
Léon Bonneff aubervilliers. Postface d'Henry Poulaille. - Talence, L'Arbvre vengeur, 2018, "l'arbuste vinficatif", 344 pages, 9,50 €