La Sociale

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Clore la lecture du roman de Véronique Le Goaziou ‘'Monsieur Viannet'' laisse un soupçon : ses deux précédents romans étaient-ils de la même eau ? On aurait dû aller voir déjà... Tout ce retard, c’est vraiment bien fait pour nous, on a dû rater quelque chose de fameux. Et tandis qu’on découvre les notes d’Henri Calet sur Paris la grise (on en parle très prochainement, c’est promis), une femme d’aujourd’hui nous laisse participer à ce qui se déroule derrière les porte-cochères, loin des regards de la rue, derrière les vitres un peu crevées des façades où un homme de cinquante ans, M. Viannet, enchaînent les cigarettes et les canettes de bière.
Il y a sa femme aussi. Un peu fantomatique quoique belle. Une chainsmoker elle aussi.
Dans leur studio, les visite une enquêtrice qui fait parler M. Viannet, qui n’a plus l’habitude de parler, ni même de sortir de son galetas.
Tourné vers le vide mouvant de sa télé à écran plat, une bière à la main depuis le lever jusqu’au soir, il fume. L’enquêtrice le fait parler, et voilà que la réalité du quart-monde jaillit dans toute sa crudité, avec ses indépassables difficultés et les incompréhensions qu’on leur oppose.
Le roman de Véronique Le Goaziou est âpre, sans frivolités. C’est sans doute pour cette raison qu'il se dévore littéralement, ne laissant pas un répit dans sa tension dramatique. D’autant qu'il laisse une impression de vérité qui tend au tragique. Il y a fort à croire que ce texte finira sur la scène d’un théâtre... La tonalité du texte, dignes des meilleures plumes, se soutient par une évidence simple et brutale dans un dialogue difficile où les douleurs ne se disent pas comme telles, où les habitudes du langages font masque et déterminent la forte impression que laisse les deux cents pages du texte.

- Des nécessiteux... Elle est allée le pêcher où, ‘mot-là ? (...) Des pauvres, oui. Des pauvres, merde ! Elle en voyait défiler un paquet dans son bureau, elle savait ce que c’était, non ? Des pauvres, voilà ce qu’on est. C’est important, les mots, non ? Il faut dire ceux qui existent, non ? Ceux qui existent, merde !
J’attends qu’il se calme. Je déplace un peu ma chaise vers l’avant pour moins sentir les filets d’air qui passent par la fenêtre.




Véronique Le Goaziou Monsieur Viannet. — Paris, La Table Ronde, 2018, 204 pages, 16 €

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