L'Alamblog

Après le poète Antoine Emaz, c'est un esprit et un ami qui ont disparu avec Dominique Noguez, la nuit du 14 au 15 dernier, à Paris.
Spécialiste de l'art vidéo, maître ès-humour noir, il était l'élégance incarnée, et une pensée mobile, toujours attirée par le pas de côté, par le grain de sable qui dévie la course des grands bâtiments.
Il était né le 12 septembre 1942, était devenu agrégé de philosophie, puis professeur d'esthétique de la littérature et du cinéma à la Sorbonne (1988) et un historien du cinéma et de l'art vidéo.
On se souvient de multiples discussions plaisantes avec lui, et de très bons moments.
On se souvient même qu'il fut engagé un jour sur la liste L'Autre Politique menée par Chevènement et Gisèle Halimi pour les Européennes de 1994). Nous devons en outre nous souvenir qu'on lui doit tout de même deux Rimbaud, un Lénine dada et beaucoup d'autres fictions qui ont donné le sourire et des couleurs à nos vies.
A l'évidence, Dominique Noguez manque déjà.




Une citation de 1966, il avait vingt-quatre ans :

Je me demande si l'asservissement contemporain de la littérature à la critique ne viendrait pas d'une panique devant cette critique totalitaire, qui ne se contente pas de regarder l'oeuvre, mais la fouille policièrement jusque dans ses recoins les plus obscurs. Dans cette perspective, l'écrivain disparaît complètement, il est dépossédé de sa parole, ce n'est plus lui qui écrit, c'est un ensemble de motivations inconscientes, ou l'influence sur lui d'une classe sociale. Il faudrait ici appliquer l'analyse que fait Sartre de l'autre, qui disparaît, se néantise sous le regard d'autrui, se fige, se pétrifie. On pourrait également montrer que la fascination de l'objet dans un certain nouveau roman provient d'un désir de ses pétrifier, de disparaître, de se figer pour échapper à ce regard, à cette investigation totalitaire.

(Colloque de Cerisy, 2-12 septembre 1966, "Les Chemins actuels de la critique").