Drôle de Klima

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Après une pause de cinq jours, mes gaillards, mes gaillardes, vous n'aurez pas l'estomac de refuser que l'on vous parle du Roman tchèque de Klima. C'est un peu fait exprès, du reste, car il faut des neurones en manque pour bénéficier de tous les avantages de l'ingestion d'un grand et gros livre dépeigné tel que celui-ci.
Klima n'est pas le moindre des Tchèques. Il occupe dans la littérature mondiale une place à lui, qui pourrait être tout à côté de Macedonio Fernandez, et de ses amis "Tchèques désaxés" qu'a fréquentés beaucoup la traductrice et productrice des oeuvres complètes de Klima en tchéquie et en France, Erika Abrams.
Pour planter le décor, souvenons-nous que Klima est l'auteur, en 1904, d'un essai, Le Monde comme Conscience et comme Rien. C'est, selon son auteur inspiré par Schopenhauer et Nietzsche, un "précis d'indifférence nihilisto-illusionniste". L'accueil du livre n'atteint pas les espérances de son auteur, comme de bien entendu, mais Klima poursuit son oeuvre et compose entre 1908 et 1910 Le Roman tchèque, vaste patchwork tonitruant de scènes d'un réalisme cruellement drôle et d'envolées philosophiques contradictoires. Tout rappelle la vie bouillonnante qu'ont exprimée plusieurs écrivains du siècle dernier, tentant de la contenir dans un livre, comme Ulysse, Manhattan Transfer. A ceci près que l'on se trouve plus près des Sept Fous d'Arlt, Klima insérant tout au long de son récit un débat philosophique opposant la philosophie que l'on vit et la vie que l'on pense... Le débat est incarné par la famille Volný au sein de laquelle le père, Artur, milite pour sa réélection au parlement en prêchant une doctrine mêlant de fortes vertus "latines" et un immoralisme nietzschéen de choc, tandis que ses filles, incestueusement liées, voient la vie politique dans le miroir sans tain d'un érotisme très, très libéral, profitant de "la gaieté polissonne propre au peuple".
Sans rien dévoiler des folies imaginées par Klima - quelles apothéoses ! quelle langue ! quelles scènes ! - on ne peut conclure que d'une manière simple et directe quoiqu'en deux options : Ou bien ce livre est une folie, ou bien c'est une provocation, et ce dès les premières lignes :

C'est comme j'décesse d'le dire.

Klima lui-même considérant que son livre était un "crachat à la figure de tout ce qu'on a jamais appelé littérature". De fait,

Du point de vue de la normalité, toute chose sublime fait figure de folie.

Les lectrices et lecteurs aguerris auraient tort de ne pas se rendre compte par eux-mêmes de cette grande chose obscène et grave où toutes les grandes questions qui troublent nos âmes ont trouvé place. Y compris l'émeute, le lynchage et la fessée. Vous voilà prévenus.


Ladislas Klima Le Roman tchèque. Texte établi, traduit du tchèque, présenté et annoté par Erika Abrams. Avec 22 dessins de Vadim Korniloff. - Paris, Editions du Canoë, 464 p. 26 €



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