Livres et papiers de couleurs

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Egayez votre bibliothèque.
Recouvrez vos livres de papier multicolores

Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d’aimer ?

Je pense aux livres. Ne nous forcent-ils pas à les aimer ? Nous avons grandi avec eux et notre monde, sans eux, nous semblerait myope.
Bibliothèque rangée, douce compagnie. Comment ne pas se soucier de l'aspect de sa bibliothèque ? La composition variera selon les personnalités. Qui les classe par préférences, qui par auteurs, qui par éditions. S’ils ne sont pas reliés, on les recouvrira de façon à ce que leur ensemble forme un élément décoratif.
Qu’ils soient alignés sur du bois précieux, sur du cristal derrière des vitrines aux serrures ciselées ou sur des planches de sapin, les livres sont des objets de choix. On leur doit des égards, ils se gardent, se prêtent peu, tout juste à quelques amis et comme une faveur.
Si l’apparence d'un livre doit, en quelque sorte, le représenter, il serait bien amusant de les recouvrir chacun d’une manière individuelle, afin de leur donner leur physionomie propre. Ces couvertures rappelleraient celles de certaines éditions anglaises. Chacune, comme des reliures de prix, étude dessinée, peinte, ornée, impliquerait loisir et talent, grand luxe qui nous mènerait loin des dispositions pratiques cherchées aujourd’hui. Sans toutefois rendre tous nos livres semblables aux maillons d’une chaîne, on peut trouver des formules où s’adapteraient des hardiesses : ainsi, dans le rythme pictural de la bibliothèque, un livre préféré apparaîtrait comme un signe brillant, de tout l'éclat de la couleur qui lui aura été appliquée. En bordure d’une rangée, au milieu d'une autre, il appellera le regard vers lui. On le retrouvera aussitôt.
Parmi les papiers unis à recommander, il y en a de très beaux, au grain assez épais, parfaitement mats et dans de merveilleux tons de gouache, se prêtant à des combinaisons multiples et passionnantes. Si vous préférez voir jouer les reflets de la lumière sur des colonnes formées par le dos des livres, employez des papiers brillants ; il y en a de si brillants qu’ils semblent passés à un ducs souple. Ceux-là favoriseront, car ils sont plus réussis dans les teintes pastel, des compositions claires dans le genre de Marie Laurencin.
Jusqu'à présent, on a souvent employé le frêle papier transparent et incolore qui protège sans les cacher les brochures courantes. Avec le même papier en couleur, les livres prennent un aspect irisé, délicat et sont, de plus, très agréables à manier.
Une bibliothèque peut être faite de trois, quatre tons. On rangera de préférence les tons les plus sombres dans les rangées inférieures et les tons les plus légers et les plus chantants dans le haut. Camaïeux, oppositions s'étageraient par groupes, par exemple les Balzас en puce, les Proust en lilas, les surréalistes en pourpre, etc... Ne pensez pas que recouvrir ces livres soit un travail d’Hercule, un peu de système suffira pour classer tous ceux d'une même taille, procéder en bloc aux mesures et au pointage des feuilles. Afin d'obtenir un travail net, des bords régulièrement coupés, l’appareil des photographes, le massicot, pourra servir.
Des étiquettes grises seraient aussi jolies et moins dures que les blanches, mais on peut aussi bien ne pas en mettre et inscrire le nom de l'auteur et le titre à l'encre de Chine.
A la campagne, dans les petites bibliothèques des boudoirs, l’astuce et l'originalité s'emploieront à la recherche de papiers dorés, fleuris, à ramages, étoiles d’or sur fond blanc, fantaisies saisonnières, d’autant plus charmantes qu'elles doivent être fraîches toujours.

Hélène Fal




Paris-Soir Dimanche, 27 septembre 1936.

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