† Daniel Delort (1948-2023)

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L'éditeur Daniel Delort nous a quittés le mercredi 1er février 2023 et avec lui c'est une certaine idée de l'édition qui commence à s'effacer.
On ne pensait pas avoir à annoncer une chose pareille aussi tôt tant il était, et pour tous ceux qui l'ont connu, l'expression de la vie, de la bonne humeur, et souvent même de l'amusement, voire de la transgression qu'il pratiquait toujours avec un sens très mesuré de l'humour. Si l'on pense à la douleur des siens, à celle de Martine sa compagne qui reste le moteur de leur entreprise éditoriale, à celles de Laurence, Étienne, Daniel, ses enfants et à celle de ses quatre petits-enfants, on ne peut se retenir de constater qu'avec sa disparition, le monde entier fait cet hiver grise mine...
D'abord laborantin dans un hôpital parisien, il avait fuit la capitale avec Martine, sa compagne, alors attachée de presse du Seuil (où elle fit des miracles pour la collection Points alors émergeante) au cœur des années 1970. C'était alors la période du retour à la terre et de la recherche de la paix loin des effervescences de la Capitale. Le couple avait l'ambitieux projet de monter à Villelongue d'Aude une revue, Le Gué, bientôt structurée en maison d'édition alternative : L'Atelier du Gué. Il s'agissait de prouver au monde que l'on peut avec une petite presse se révéler en totale autonomie, et être prompts à publier les textes qui réclament de l'être.
Le couple remet en état ce qui était autrefois la demeure de repos d'un évêque de la région (une tour majestueuse en plein petit village à côté de Carcassonne) et il imprime, lit, discute pour monter avec son comité de rédaction des sommaires tous plus éclectiques les uns que les autres. De fait, il n'y a pas un auteur français un tant soit peu intéressant des années 1970-2020 qui ne soit passé dans les pages de la revue Brèves. Malheureusement, Daniel n'aura pas eu le temps de mettre en valeur les archives de la maison comme il en avait eu le souhait. Le projet fut souvent différé, mais un jour cette liste sera établie et paraîtra éloquente depuis Betty Duhamel (la première compagne de Patrick Mondiano, qui a tout fait pour que son premier livre où il apparaissait faisant une cour assidue aux vieux écrivains "collabos" ne soit pas correctement diffusé), en passant François de Cornière, de Dominique Vierra à Adrienne Soulié, de Jeanne Gaillard à André Voisin, de Jacquette Reboul à Yves Martin, de Bienvenu Merino à Sylvie Beauget, de PIerre Bosc à Françoise Guérin, d'Anne Poirier à Jean-Marie Le Sidaner, sans oublier Françoise Brégis, Daniel Grojnowsky, Gérard Lemaire, Christiane Rolland Hasler et tant d'autres. Jabbar Hassin Hussin, Jean Soublin, Julien Campredon, Michel Ots (Plaire aux vaches), Gonzalo Celorio, Jacques Bens et Jacques Jouet sont des noms qui parlent assez pour qu'il ne soit pas nécessaire de poursuivre la description de ce catalogue qui se défend tout seul, aussi éclectique que roboratif.
Avec Daniel Delort, c'est également un pan entier de l'édition qui fait grise mine. Tout cela va être beaucoup, beaucoup moins plaisant... Pour des raisons personnelles, le Préfet maritime est plus sensible à cette disparition qu'à aucune autre, car Daniel aura été un véritable ami et, avec Martine, tout aussi amicale, l'un de ses tout premiers ses éditeurs, bienveillant, constant, encourageant. Ils ont incarné, et incarnent encore, la liberté d'éditer, la bienveillance et une forme de militantisme que l'on ferait bien de retrouver dans les maisons qui ont aujourd'hui pignon sur rue mais plus rien à publier de nourrissant. Sans doute n'étaient-ils pas punks, ces éditeurs de Villelongue d'Aude, mais ils étaient assurément accueillants et profondément subversifs dans leur comportement, leur souci d'assurer la dignité de chacun et de promouvoir la nouvelle, leur cheval de bataille, cette forme qui, croassent les mercantis, ne se vendrait pas bien...
C'est une crème d'homme que nous saluons ici en nous joignant à la douleur des siens auxquels nous adressons depuis notre île des pensées chaleureuses. Et nous nous plaignons d'avoir perdu un ami pareil.



Les obsèques de Daniel auront lieu à Trèbes, mardi 7 février à 14h30 au crématorium. A partir de 17 h un pot sera partagé au foyer de Villelongue d'Aude.


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