Délices d'Italie

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Avec un nom digne d'apparaître dans un roman de Giovanni Guareschi, Achille Campanile (1900-1977) était un amuseur d'Italie. Journaliste, il fut le directeur de l'hebdomadaire humoristique Il settebello et contribua à ses pages, naturellement, avec des textes dont est composé le recueil Les Asperges et l'immortalité. Avec ses trente-sept proses, ces Asperges donnent toute la palette du talent de Campanile qui se situe exactement entre les fantaisies d'Alphonse Allais et celles de Pierre Girard. Avec une pincée de Buzzati parfois, mais dans une tonalité moins grave, ce dernier ayant toujours un penchant pour la métaphysique, amusante il est vrai. Quant à ses statues reprises par la vie, si elles évoquent certaines nuits de Giorgio de Maria (Les Vingt Journées de Turin, éditions Do.), elles gardent une allure nettement plus affable...

Cependant, du côté de Monforte avait atterri, les bras ouverts, saint François d'Assises. Du haut de son gigantesque piédestal, il avait fait un vol planté de trente ou quarante mètre. Un truc de saint.

Et c'est aussi ainsi que saint Antoine resta coi et figé devant un bassin plein de poissons rouges...
Avec Campanile, on fait du ski (un peu à la manière dont on conquiert le Khili-Khili chez Bowman), on se croise dans le train dans une version améliorée de soi-même, ou bien on y baffre, on écoute le capitaine Horn narrer la campagne de presse des centenaires dansants, tel autre vieux savant déplorant les capacités de l'intelligence artificielle (bien insolente il est vrai), on fait une cure de raisin, on parle de sa femme ou bien l'on téléphone, toutes délicieuses activités propices à la détente et, chez Campanile, à la distorsion humoristique de la réalité.
Ridicule des conventions, mais aussi situations complexes et inévitables de la vie, Campanile savait faire monter une absurdité en neige. Il faut noter, car c'est important, qu'Umberto Eco, qui le savait mieux que personne, se plia à l'exercice du préfaçage de Se la luna mi porta fortuna (Si la lune me portait chance), signe zénithal de l'importance de Campanile (1) qui, sans doute, portait l'humour bien droit et toujours plus haut. Dans un essai passionnant repris en préface de Si la lune, le linguiste italien avait disséqué les méthodes de son compatriote. A moins qu'il ne fût de Pise, mais ça ne semble pas avoir été le cas. Autant dire que lorsqu'on se sera bien détendu avec Les Asperges et tutti frutti, il restera à se jeter sur les précédents opus traduits de Campanile :
La Gifle du kilomètre 40, traduit par Noel Félici. - Paris, Georges Rochat, 1936
Le Héros. Debout les morts ! roman, traduit par Nino Frank. - Paris, Denoël, 1977
Si la lune, traduit de l'italien par Françoise Liffran, préface d'Umberto Eco, 1992

(1) Eco lui consacre également toute une étude dans Tra Menzogna e ironia (1999)

Achille Campanile Les Asperges et l'immortalité de l'âme, traduit par Farnçoise Liffran et Marie-José Tramulta. Illustrations d'Alain Pilon. - Talence, L'Arbre vengeur, 2023, 19 €

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