Terrible animal lyrique

GassetYortega.jpg


Qu'est-ce que lire ? (Platon, en l'occurrence). Voilà l'interrogation de José Ortega y Gasset, qui y répond (presque) en quelques pages de notes de 1946. Presque ? oui, car il y répond problématiquement. Et ne vous attendez pas à des resucées de type je lis et j'ai une grosse bibliothèque. On n'est pas chez Manguel, autant vous le dire.
Voici quelques détails extraits du discours d'Ortega y Gasset.
Là il parle de l'auteur :

Tout dire est déficient - il dit moins que ce qu'il veut dire.

(...) et, un peu plus loin :

Voila ce que j'entends lorsque j'affirme qu'une langue est avant tout un geste. Si, dans l'immédiat, il fallait ici être complet et exposer toute ma pensée sur ce sujet, je devrais ajouter que, en même temps qu'un type de geste déterminés, toute langue est à l'origine une mélodie déterminée. Mais le moment n'est pas venu d'ouvrir ce nouveau débat. Geste, mélodie et, par conséquent, lyrisme : voilà ce qu'est avant tout une langue, car langage et parole sont d'abord des sons. Rien de bien surprenant puisque le lyrisme est ce qu'il y a de plus primaire chez l'homme, ce terrible animal lyrique.

lyrisme donc et, un peu plus haut, choix de conventions de vie, aspect ludique de l'existence... Et il n'a pas tort, n'est-ce pas, puisque nous faisons des choix de vie qui finissent par nous conditionner.
On en arrive à cet péroraison qui pousse nettement à vivre parmi nos contemporains et va déprimer grave les bibliophiles confits dans leurs reliures de prix :

Or, le livre est pour nous absence de l'auteur, et le dire écrit, fuite préalable de celui qui le dit. Nous avons un dire sans personne qui dise... Pourquoi insistons-nous tant sur ce point ? N'est-ce pas exagérer que de donner tant d'importance à la gestuelle complexe dans laquelle la parole trouve sa forme primitive ? Cela est lié au fait que d'autres lui en confèrent excessivement peu. IL est indéniable que si nous pouvions voir Platon en chair et en os, rien d'autre que le voir et entendre sa voix, nous résoudrions automatiquement certains des grands problèmes que le lecture de ses livres nous pose - sans cela ils resteront probablement à tout jamais énigmatiques.

Sacré Ortega, il va nous avoir déprimé toute l'interprofession.



José Ortega y Gasset Qu'est-ce que lire ? Traduit de l'espagnol par Mikaël Gomez Guthart. - Paris, Allia, 2023

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/5821

Haut de page