L'Alamblog

Il n'est pas abusif de prétendre que chaque prisonnier est tombé un jour sur un os. Plus ou moins gros, et plus ou moins contondant. Une avanie a troublé l'eau claire de son destin de délinquant, de bandit, de proxénète ou de meurtrier. Avec Ricardo Elias, c'est un os propre (mais poussiéreux) et figuré qui leur échoie : des hommes incarcérés qui souhaitent s'évader creusent sous leur cellule honnie et découvrent un os, puis deux, puis un dinosaure tout entier. L'exemplaire est rare (c'est un hadrosaure), le Bristih Museum envoie un expert...
Evidemment la vie de la prison va en être bouleversée. Sa routine en est pulvérisée et une vie culturelle s'impose peu à peu : on suit des cours de paléontologie, on lit des livres. Le maton principal enrage mais le directeur humaniste se laisse convaincre que l'Homme est bon...
S'il n'échappe pas que l'Amérique latine est étonnament fascinée par les restes des grosses bêtes d'autrefois - on pense évidemment à La Guerre des Dinosaures de Miguel Prenz (Marchily, trad. de l'argentin par Cyril Gay) -, la prose d'Elias, qui est un juste mixte entre fiction bien cadencée et piquante satire du monde carcéral, nous mène non seulement en terre paléo mais aussi au coeur des relations humaines tiraillées entre violence, compromission, frustration, patience et acceptation.
L'institution et ses sbires, ainsi que les malfrats en prennent pour leur grade, depuis le maton sadique jusqu'aux déliquants plus bêtes que méchants, mais c'est finalement sous un jour très enfantin que sont présentés ces hommes capables de mettre le bazar à peu près n'importe où.
De cette petite aventure en milieu claos, l'hadrosaure lui-même n'en reviendra pas.



Ricardo Elias Sur un os. Traduit de l'espagnol (Chili) par Guillaume Contré. - Talence, L'Arbre vengeur, 310 pages, 19 €