Henri Pourrat (1926)

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Henri Pourrat

Depuis Mistral, les « provinces départementales françaises », comme disait Péguy, n'ont pas eu, à l'exception de Francis James, de poète de cette envergure, capable de rendre à la France littéraire, dont le cœur est Paris, trésor pour trésor.
Henri Pourrat est né à Ambert d'Auvergne, sans doute sous le grand Poléon ; sinon, aurait-Il si bien connu Gaspard, qui fit la campagne de Russie le cœur triste de laisser au- pays Anne-Marie qu'il aimait ? Gaspard, dont les Vaillances, Farces et Gentillesses tiennent en trois livres : Gaspard des Montagnes ; A la Belle Bergère ou Quand Gaspard de Guerre revint, et, encore inédit, Le Pavillon des Amourettes.
Gaspard, c'est d'abord une authentique histoire de brigands, une tragique image d'Epinal à .vous donner le frisson, avec ses « messieurs noirs du bois » et son auberge sanglante de Pont-du-Merle. C'est aussi une étude psychologique, fine et patiente, se déroulant dans le silence des campagnes et l'émouvante solitude des cœurs. Tous ses héros sont auréolés, lumière épique autour de Gaspard, chaste et lunaire autour d'Anne-Marie, infernale autour de Robert; sans oublier les feux follets comparses, touchants ou hilares, car la bonne humeur n'est pas absente. Enfin, Gaspard est un poème en l'honneur de l'Auvergne, d'une langue savoureuse, aussi éloignée du français académique que celle de Claudel et de Ramuz, mais toute proche au contraire du terroir et du parler ancien.
Et, qu'on ne s'y trompe pas, ce chef-d'œuvre de la littérature régionaliste appartient à la littérature universelle. Le type de Gaspard est capable de charmer les temps et les pays, comme le Kim de Kipling ou l'admirable Gosta Berling, de Selma Lagerloff.
Cette œuvre drue et généreuse n'a pourtant pas pris toute la sève d'Henri Pourrat. Il a débuté par Sur la Colline Ronde, journal d'un village, écrit en collaboration avec Jean Angéli, depuis mort à la guerre. Tel le poète Royère pour son ami Nau, Pourrat s'est voué à la mémoire de Jean l'Olagne. Il lui a consacré Les Jardins Sauvages et, sans cesse, il ranime par quelque hommage la flamme sensible de ce souvenir.
Nous lui devons, depuis la guerre, Les Montagnards, où s'épanouit largement - sa veine épique et paysanne, et, ces jours-ci, Le Mauvais Garçon, un beau roman sur le jeune homme contemporain.
Henri Pourrat n'est pas seulement de ces auteurs que l'on estime : il force votre cœur, il vous conquiert tout entier. Ses mots, ses pensées, sont veinés, teintés, taillés en facettes ou embrasés d'un feu secret. Et la force de leur incantation est telle qu'ils nous semblent de poétiques amulettes qui, au milieu de la plus âpre des vies, nous assurent encore le bonheur de rêver.
Pierre Gueguen




Paris-Soir, 31 juillet 1926

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