Un mot sur la suppression des journaux (1800)

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Un mot sur la suppression des journaux.

Après avoir sacrifié sa fortune, après avoir constamment servi son pays, peut-on se douter que ceux mêmes qui sont le plus attachés au gouvernement, se verront un jour réduits à médire, malgré eux, de l'institution nouvelle. Veut-on mécontenter tout le monde, et veut-on forcer l'homme tranquille de se rendre irrascible en le forçant de sortir des bornes.
Celui qui depuis la révolution s'est constamment acharné à ne parler qu'en sa faveur ; celui qui, tout au contraire, a voulu servir un parti quelconque, se voit de même englobé dans cette liste fatale, pareille à celle du dix-huit fructidor : elle enchaîna et la liberté de la presse , et les auteurs estimés, et ceux même qui, pour mériter les faveurs des hommes en place, ne savaient écrire que pour les flatter ou pour soutenir leurs vices et leurs passions.
Faut-il que cette liberté qui est le garant des droits qu'ils veulent maintenir, soit avilie par ceux mêmes qui n'ont que ce mot dans la bouche. Pensent-ils par-là échapper à la vengeance du peuple, et croyent-ils qu'il n'existe pas des hommes assez courageux pour les dévoiler aux y eux de: tout un peuple indigne.
Ah ! ne le croyez pas, nouveaux échafaudés, ceux qui, sous le triumvirat ont bravé leurs coups, sauront, jusqu'au dernier moment, vous toiser et vous faire connaître; c'est par cet acte tyrannique , c'est par cette spoliation de propriétés , que, vous mettant à dos toutes les plumes énergiques, vous serez passés à cet alambyque qui ne laissera rien à desirer au curieux, à celui que son intérêt commande de vous connaître.
Si c'est par de-tels principes, si vous agissez le la sorte pour rendre le peuple heureux, que vous diront les huit mille personnes que vous sacrifiez dans ce moment, et que vous réduisez à la misère. Croyez-vous vous rendre insolvables du mal que vous faites, et ne voyez-vous pas que, faisant chaque jour des mécontens, vous avancez l'arrêt de votre mort ; mais nous ne pouvons en douter, celui qui le premier sacrifia à sa vengeance des hommes probes et éclairés, dans cette belle journée du 18, reste impuni, il jouit impunément de ses rapines et de ses brigandages. Imitateur fidèle de ses exemples, tu crois par-là couper le sifflet aux hommesénergiques, ne le penses pas, c'est alors que, les forçant à revirer de bord, ils feront connaître à toute la France les principes.
Eh vraiment, je t'en sais gré, tu ne pouvais mieux t'adresser qu'à cette classe d'hommes qui sauront t'apprécier et dire des vérités dures ; mais qu'importe, ils te jugeront, et pouront à profit éclairer le peuple sur ta conduite.
Que diront dix mille ouvriers que tu réduis encore à la besace ; est-ce fait pour faire admirer ton culte ? Crois-tu être heureux en faisant chaque jour des victimes ? Celui qui depuis vingt cinq ou trente ans nourrit sa famille de l'état que ses pères lui ont donné, se voit dans ce moment réduit à travail]er à la terre ; heureux encore s'il trouve de l'ouvrage ! Quel est l'homme qui eut pu croire que tu aurais aboli le premier des arts ; je dis aboli, car il existe dans la réduction que lu viens de faire, il existe dans cet acte tyrannique, la destruction cie dix mille ames.
Au lieu d'encourager la presse, au lieu de maintenir le premier des arts,

................ Cet art ingénieux
De peindre le parole et de parler aux yeux

tu viens de le sacrifier à ta vaine passion, et tu crois par la fermer la bouche à cette classe d'hommes éclairés qui t'ont toujours en vue, ne le crois pas, les quatorze journaux que tu paye prêcheront ta louange, et se garderont bien de te déplaire ; mais aussi ceux que tu force à publier tes crimes, sauront en instruire toute la France et ne te perdront pas de l'œil.
Hommes sages et éclairés votre tâche n'en est que plus méritoire quoique plus difficile ; le devoir de la société, votre devoir particulier le devoir de la société vous commande impérieusement d'éclairer la France sur ses propres intérêts ; rappelez-vous que vous devez à ta patrie vos vertus et vos talens, et que vous vous êtes rendus responsables du mal que vous pouvez empêcher en instruisant vos semblàbles ; vous vous devez à vous-mêmes en respectant fidèlement les serment que vous avez fait de ne trahir jamais votre conscience.
Que nulle crainte ne vous arrête, il est plus glorieux de souffrir en faisant le bien que de se miner et se détruire en supportant, de son plein gré, le mal que les méchants nous préparent. Les braves gens, la France entière vous jugeront ; et vous seriez criminels à ses-yeux, si vous-ne vous efforciez par tout ce qui est en votre-pouvoir de détourner de sur elle la tempête qui se grossit à chaque instant.




Anonyme, L'Argus nouveau, ou Le voile de Cromwel mis en lambeaux. - A Berlin, de l'Imprimerie royale Georg Jakob Decker. 1800, p. 34-37.


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