Gustave Flaubert (I : la tête)

On annonce depuis quelques jours à grand renfort de publicité la vente prochaine d'une photographie inconnue de Gustave Flaubert...
Cependant, on est en droit de se demander si cet homme, certes un peu poilu, a raison de se prendre pour Gustave Flaubert.
Pour Lautréamont, on comprendrait, mais pour Flaubert... Et pourquoi pas pour Bienvenu Merino ! Mais oui, c'est ça, c'est Merino !
Là où le bât blesse finalement, c'est au niveau des arguments mis en avant par les organisateurs de la vente.
Voici toujours la note relative à ce document publié par le Bulletin Flaubert électronique, diffusé par le Centre Flaubert de l'Université de Rouen (Yvan Leclerc). Opérons citato :

Un portrait inédit de Flaubert Le 18 novembre prochain, la maison Artcurial vendra à l’Hôtel Dassault un portrait inédit de Flaubert, anonyme, vers 1846. En attendant la mise en ligne du catalogue sur le site Artcurial, M. Grégory Leroy, expert, a bien voulu nous communiquer une photographie de ce portrait, publié dans la ''Gazette de l’Hôtel Drouot'', n°31. On le trouvera également en ligne à l’adresse suivante: http://www.univ-rouen.fr/flaubert/
M. Grégory Leroy précise que la mention «à Croisset» se trouve écrite au verso. Il nous a fait parvenir également un article de John Wood, «Flaubert, Love, and Photography» (The Southern Review, Université de la Louisiane, avril 1994, vol. 30, n°2, p.350-357; article en ligne accès gratuit moyennant inscription valable 7 jours).
Dans cet article, il est dit que ce daguerréotype a été découvert à Paris quinze ans auparavant, donc en 1979. En le comparant avec le dessin par Desandré de 1845 (voir Album Pléiade, p.70), le portrait le plus proche dans le temps, l’auteur note que Flaubert a moins de cheveux, mais qu’il a déjà pris quelques valises sous les yeux.
Hypothèse de l’auteur quant aux circonstances de cette photographie: Louise Colet ayant envoyé son portrait à Flaubert (voir la lettre du 14-15 août 1846, Pléiade, t.I, p.302), celui-ci se fait photographier en échange de cadeau devant le portrait de sa maîtresse (le bras de femme que l’on devine à gauche). John Wood note par ailleurs que les photographes Louis Lavasseur et Thibaud Witz s’établissent à Rouen en 1846.
Difficile d’établir une «ressemblance» en comparant avec une autre photographie contemporaine: la photo prise de loin par Du Camp au Caire en 1850 ne permet pas de voir les traits du visage, d’ailleurs noyés dans la barbe…


Dans la catégorie "preuve par l'absurde"...
Moralité : les investisseurs ne devront pas manquer d'estomac.

Pour autant, cette nouvelle fluette en annonce une autrement plus roborative — et, curieusement, la fausse nouvelle ne devançait pas la révélation de beaucoup : En effet, une indiscutable photographie inconnue et inédite de Gustave Flaubert sera mise en vente, pas loin d'ici et très prochainement. Vous en serez informés illico et pourrez constater qu'il n'y a pas l'ombre d'une ombre sur le poil de la tête à Mathieu.
Rendez-vous compte : nous allons découvrir, enfin, Gustave Flaubert en pied.

Mais oui, cela revient à dire que nous verrons pour la première fois (mis à part, bien sûr, quelques-uns de ses contemporains) les pieds de Flaubert.

Convenez tout de même que L'Alamblog assure la veille pour vous.



PS Un peu de l'humour de toute cette affaire repose sur le fait qu'une thèse a paru il n'y a pas si longtemps sur ce grave et épineux, mais inconnaissable, sujet.

Illustration : La Gardienne, gravure de Erik Staal.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/359

Haut de page