L'Alamblog manquait de couleurs ces derniers temps, non ?
Michel Surya ayant fait, après Sylvain Goudemare et quelques autres, les frais de la méthode Léo Scheer — "in un peu, out beaucoup" —, nous communique une nouvelle rassurante :
Les Nouvelles Editions Lignes voient le jour.
Nous transmettons les coordonnées de la structure pugnace et nos encouragements des îles lointaines.
Songez néanmoins qu'elle réclame des ronds pour l'aventure, des ronds et des choux, des ors quoi, parce que s'il faut du courage pour persister dans son être lorsque le système, ses fléaux et sa valetaille grotesque (pas de noms... pour l'instant) nous condamnent, il faut aussi paraître et doubler le nombre d'abonnés illico.
Après l'adresse à Vauban, rééditons à l'enseigne de Scheer et de ses sbires (grassouillets à robe et blondasses en cuir) qu'ils nous barbent, c'est vrai. Et vivent les Nouvelles éditions Lignes.
Par ailleurs, une maison indépendante de Paris-6e nous adresse son programme qui nous fait hurler de rire (on a le rire fort épique en nos îles) : on y trouve dans une collection qui revendique curieusement le nom du Lance-Carreaux — sans qu'il soit possible d'y découvrir le moindre rapport avec les publications historiques de ladite marque, si l'on en juge par l'aspect littéraire des choses — dirigée probablement par quelque senior à la quéquette moussue, une traduction d'un immense poème italien par un vasouilleux bouffon manieur de concepts à la mords-moi-l'oeuf. On s'attend à être drôlement régalé.
En revanche, les maisons Gallimard et José Corti, un peu sérieuses celles-là, nous renseignent sur de prochaines parutions qui nous inspirent de l'impatience.
Du côté de la boutique familiale si familière à la gente critique, en vrac :
- Faits (II) de Marcel Cohen, dont le premier volume, conseillé à nos yeux par le formidable Jean-Baptiste Para nous avait emballé ;
- le Quarto d'oeuvres de Thomas Bernhardt ;
- l'essai de Clarisse Herrenschmidt : Les Trois Ecritures. Langue, nombre, code ;
- et surtout L'Economie des Singularités de Lucien Karpik où il y a de quoi lire notre époque avec d'autres lunettes ;
- On réserve notre avis sur les Carnets d'un voyageur zoulou... du Pierre Jourde qui semble avoir fâcheusement oublié quelque aspect de la colonisation belge : elle fut sanguinaire, cruelle, terriblement sauvage. Avec ses gros sabots d'universitaire tout en épaisseur, et délicat avec ça, il nous en fait un conte "à la Voltaire" "pour traiter de la question des banlieues" (dixit le papelard). Mais mon gars, à quoi ça sert que tu t'esbignes sur un sujet pareil ? Qu'est-ce que tu vas donner comme un vulgaire sous-Bégaudeau ton avis sur un truc qui t'échappe ? La banlieue, excuse, mais c'est un peu gros pour toi. D'ailleurs, on a fini par voir ton truc : tu vas encore te faire casser la tête en Afrique ou à Bron pour faire la une de la presse pipole. Un conseil : laisse tomber, on s'en bat l'oeil de ton crâne.
- Nous aurons l'occasion de dire tout le mal que l'on pense des Fantômes du muet de Didier Blonde. Il va en rougir d'aise, c'est moi qui vous le dit. Au point que l'Antoine va être obligé de décupler son prochain à-valoir s'il ne veut pas le perdre au profit d'une concurrente boutique. C'est tout le mal qu'on souhaite à Didier Blonde du reste.
On s'attaque ensuite, prunelle vive, paupière frémissante, pouls soutenu, à la liste des prochaines publications de la maison José Corti. Et là, mes cocos, on s'amuse d'avance à faire — à l'estime — les totaux des heures qu'on va y passer à se déguster tout ça. Vrai, c'est pas humain.
- Paul Celan, La Rose de personne et Poèmes ;
- Thomas Hardy, Retour au pays natal, traduit par Marie Carnavaggia de célinienne mémoire (voir aussi L'Arbre vengeur) ;
- Michel Jeanneret : La Muse lascive, anthologie de la poésie érotique et pornographique française et La Musée sacrée, anthologie de la poésie spirituelle française ;
- Fernando Pessoa, Le Marin et Message (réédition de textes que certains libraires de la rive gauche de la Seine n'ont pas écrit à destination de la Pléiade) ;
- Dominique Carlat, Témoins de l'inactuel ;
- Philippe Hamon, Imageries ;
- William Blake, Ecrits prophétiques ;
- Pierre Leyris, la Chambre du traducteur (avec ce bémol que nous n'apprécions pas beaucoup les traductions, que nous qualifierons de métalliques, de Pierre Leyris — désolé, cher Gilles Ortlieb) ;
- Les Confessions d'un inverti-né ;
- Max Milner, Le Diable dans la littérature française (réédition) ;
- Hans Henny Jahnn, Le navire de bois (réed.) ;
- Jean Thuillier (alias Jean Briance), Campo Morto ;
- John Cowper Powys, L'art d'oublier le déplaisir ;
- Etc.
Franchement, une traduction inepte par un béjaune branché d'un poème italien majeur vous manquerait-elle dans ces conditions ?
Ben non.
Que voulez-vous de plus ?
Hein ?
Causez plus fort, on n'entend rien !
1 De jd -
Bravo m'sieur l'Préfet, on en veut plus des billets comme celui-là! Gardez l'cap et souquez ferme!
(dans le genre "événement à retenir", il y a aussi "Le livre des Masques" de Remy de Gourmont, à (re)paraître chez Manucius!)
2 De Conan -
"Le Navire de bois", de Jahnn, n'était il pas déjà disponible? Demandez leur plutôt pourquoi ils ne rééditent pas "La Nuit de plomb", du même, qui seul manque à leur palmarès? Ils pourraient bien se le faire souffler par de jeunes équipées aux mœurs barbares...
3 De jourde -
l'ancien inabonné salue son ami Dussert et se demande ce qu'il devient. Il se permet d'ajouter quatre remarques :
-Le monde de la banlieue ne lui est pas absolument étranger.
-Un écrivain peut traiter d'un sujet de société. Il n'est pas nécessaire d'être cow boy pour faire des westerns.
-invoquer les méfaits de la colonisation à propos de jeunes filles tyrannisées, de passagers carbonisés, de médecins agressés, de juifs persécutés, tout cela par une certaine catégorie de jeunes habitants des banlieues, cela s'appelle donner des alibis au crime.
-Donc, l'ami Dussert a "vu le truc". On ne la lui fait pas. Reste que c'est une idée assez basse que de supposer a priori que l'on cherche à se faire de la publicité parce que l'on publie des textes critiques ou polémiques. On ne se fait pas de publicité sur le dos de ses enfants qui ont leur risqué leur vie, ou l'on est un pur salaud. Mais c'est peut-être ce que l'ami Dussert veut dire. Cela dit, il semble ignorer que l'on contrôle assez difficilement ce que racontent les médias. Si l'ami Dussert se castagnait avec Léo Sheer et qu'on voyait sa tête dans Paris Match, faudrait-il penser que tel était le but des textes de l'ami Dussert ? Et faudrait-il, après avoir eu sa tête dans Paris Match, que l'ami Dussert n'écrive plus que des choses gentilles, juste pour que l'on ne pense pas qu'il ne cherche qu'à se faire de la pub ? On peut aussi écrire en dépit des réactions possibles, parce qu'on estime avoir des choses à dire, et malgré l'appréhension que l'on a des réactions violentes. Mais c'est sans doute une hypothèse impossible à envisager. La bassesse est la meilleure hypothèse, celle qu'il importe de privilégier.
4 De Eric Dussert -
Salut l'ami Pierre, enfin un commentaire péchu !
Une remarque à mon tour : lorsque j'ai à évoquer Léo Scheer, je le fais. Mais je le sais bien, c'est très bas. Et aujourd'hui qu'il est un has been auquel ne collent plus que les ratés de la "vie de l'édition", cela revient tout uniment à uriner dans un instrument à cordes en bois précieux...Pour le reste, et pour faire vite car la vie est courte, ce que racontent les médias, je m'en bats l'oeil et la croupe. Quant à la vie de famille elle m'ennuie.Ultime argument : l'écrivain pouvant traiter des sujets de société... Mais l'écrivain peut tout faire, même la vaisselle, c'est pour ça qu'on l'aime tant l'écrivain. C'est lorsqu'il verse dans la chronique Paris Match qu'il se trouve bien embarrassé, témoin cette diatribe de Marianne dont les arguments sont plombés par un dogme désuet (deux lustres de retard), une méconnaissance totale des faits, des réalités et... des nouveautés fulgurantes : internet !Aussi, cher ancien inabonné, l'écrivain peut tout faire. Mais pour lui, comme pour tous les autres, reste cette question : fait-il bien ?PS l'écrivain aurait donc une Mission ! Comme les Blues Brothers alors ?
5 De jourde -
Bon, une réponse en retard. Je ne voudrais pas épiloguer infiniment, mais enfin l'ami Dussert y met de la mauvaise foi.
Où est-il question de Mission ? Qui emploie ce mot ?
Les media, c'est toi qui les met sur le tapis, en supposant que j'écris pour "faire la une de la presse pipole". Eh bien non, je n'ai jamais écrit pour ça, je n'y pense pas. Je préfererais même éviter. Incroyable, non ? Que l'ami Dussert emploie ce genre d'argument, le même, exactement, que quelques journaleux qui n'ont jamais réfléchi à ce qu'est la littérature, ça me déçoit un peu.
Quant à la famille, tu peux t'en foutre, mais je répète : chercher à se faire de la pub en mettant ses enfants en danger, ce serait bien dégueulasse. Et supposer, gratuitement, que quelqu'un, moi en l'occurrence, puisse être à ce point dégueulasse, je ne trouve pas ça bien.
Quant à l'article de Marianne à propos de la BN, tout n'est pas sur internet, il y a pas mal de gens qui ont besoin de fréquenter ces lieux tout de même, ils sont mal foutus, bien des chercheurs le disent, et des conservateurs itou, je ne vois pas où est le scandale de l'écrire.
Bref, d'après l'ami Dussert, tout critique ne fait que chercher à se faire de la pub. Original, comme idée. C'est que d'obscurs journaleux reprochaient déjà à Bloy.
6 De Eric Dussert -
Meuh non, meuh non, tout est parfait. Et l'obscur blogueux que je suis laisse à Bloy toute lattitude. D'ailleurs, je me retire, je me tais, je m'esbigne, je disparais, pfuit, comme un pêt sur une toile cirée. Place aux artistes, aux vrais, aux encartés.
Et puis cela m'évitera toujours d'écrire des âneries, des riens, des trucs que d'autres ont écrit il y a vingt ans, il y a quinze ans. Et des plus fameux. Des Nora, des Mandosio, parce que c'est autre chose, c'est sûr.
Ah, avant de partir, j'avais un sujet à proposer à notre critique : l'irruption de la photographie dans l'art. Hein, c'est pas un problème ça ?