Prenante couverture du Feu des choses d'Alexis Remizov, Songes et somnolence, Gogol, Pouchkine, Lermontov, Dostoevski (Paris, Editions Oplechnik, 1954), illustrée d'un dessin de l'auteur, et mise en circulation par le Bibliophile russe dont la collection semble sans fin.
Il y ajoute ce commentaire, c'est passionnant :
Remizov était persuadé que les rêves et la réalité étaient enchevêtrés, que les rêves n'étant pas limités par des contraintes de temps ou d'espace donnaient le moyen de communiquer avec les vivants et les morts, avec des mondes inconnus. Dans ce livre il fait entrer les grands écrivains russes dans ses rêves, juxtaposant réalité et irréel.
Alexeï Remizov est resté en Union soviétique jusqu'à 1921 puis il s'installe à Berlin jusqu'en 1923, puis Paris.
Remizov, déjà connu et publié en Russie avant la révolution fut l'un des grands auteurs russes à avoir écrit et publié en occident une partie majeure (en qualité et en nombre, près de 45 livres publiés dans l'émigration) de son oeuvre. Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en français dès les années 30. Il fréquenta un moment les surréalistes français. Il ne fut publié en Union soviétique (en dehors du samizdat) qu'n 1978. Son influence sur les écrivains de sa génération fut très importante. Alexis Rémizov était également un dessinateur de talent, il étudia la calligraphie russe ancienne et laissa un grand nombre de dessins et de collages étonnants de variété et d'invention.
Curieusement il ne publie rien entre 1931 et 1949.
Ce livre porte une curieuse justification de tirage : "Ce livre a été édité à 300 exemplaires sous l'oeil de Daniel Georguievitch Reznikoff, sur papier Offset "Pacific" à l'imprimerie Société d'Edition Typographiques, 18, rue du Faubourg du Temple à Paris en juin 1954. "Ont composé le texte : Nicolas Stepanovitch Cherstoboeff et Vassili Nicolaievitch Stankevitch. Mise en page : Marc Alexandrovitch Bissnovati et Louis Rouvré. Correcteur : Colonel d'Etat major Arseni Alexandrovitch Zaïtsov (+ 1 avril 1954). Grammairien didactique Alexandre Samsonovitch Ginger et documentaliste Alexandre Grigorievitch Savtchenko. Censuré par le Conseil Supême du "Obezvelvolpal" (Grande chambre libre des singes en abrégé) : Igemon Despote Victor Nicolaevitch Emelianoff.
Et pour voir Remizov, une seule adresse : Bibliophilie russe, le blog.
1 De Paul Lequesne -
Voilà ce que dit Victor Chklovski d’Alexeï Remizov, dans la 5e lettre de “Zoo, ou lettres qui ne parlent pas d’amour” :
“La vie de Remizov — il l’a lui même bâtie, de ses propres pieds —, est très mal commode, mais ô combien amusante.
Il est petit, il a le cheveu épais et dressé en une seule grosse touffe : en hérisson. Il se tient voûté, mais ses lèvres sont d’un rouge éclatant. Le nez est retroussé, et tout chez lui a l’air d’être fait exprès.
Quant à son passeport, il est tout entier rempli de caractères simiesques. Bien avant que sa conduite d’eau ne crevât, Remizov avait quitté la société des hommes — il savait déjà de longue date quelle sorte d’oiseaux ils étaient — et avait rallié le grand peuple des singes.
L’Ordre des singes fut imaginé par Remizov sur le modèle de la franc-maçonnerie russe. Blok en a fait partie, aujourd’hui Kouzmine tient les fonctions de musicien de la grande et libre Chambre des singes, tandis que Grjebine, cet ami de la gent simienne, est membre de l’Ordre avec le grade et le titre de prince intérimaire en période de famine et de guerre.
J’ai été moi aussi admis dans cette conjuration des singes, et me suis donné d’autorité le grade de « petit singe à queue courte ». Je me suis raccourci la queue d’un coup de rasoir avant de m’engager dans l’Armée rouge, à Kherson. Comme tu es une étrangère intérimaire et que tes valises ne savent pas que leur propriétaire a tété le sein d’une Sibérienne, la belle Stécha aux joues vermeil, il convient encore de te dire que notre peuple des singes, peuple des déserteurs de la vie, est gouverné par un véritable roi. Un souverain émérite.”