Pierre Daix, ou des dangers d'utiliser son index

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On signalait à propos de Gabriel Nigond, ce grand absent, l'importance des index et leur danger principal : la lacune totalitaire. L'idée ne nous en était pas venue (le soleil tapait dur ces jours, sur notre île), mais il nous apparaît désormais que la négligence du biographe, et de son allié l'indexeur (ou établisseur d'index, ce qui n'est guère plus joli), conduit effectivement à un totalitarisme d'autant plus mesquin qu'il ne s'affiche pas et ruse avec l'oubli. Totalitarisme de l'histoire telle qu'on nous la présente et telle que nous sommmes tentés de la représenter encore ; totalitarisme du succès et de la notoriété (substrat : ce qui n'est pas connu ne mérite pas de l'être *), totalitarisme de la gomme à figures qui bistourise l'anecdote pour en évincer les seconds rôles, etc.
Au détour d'une solde, nous sommes tombés sur un livre au titre alléchant : Pierre Daix, Les Lettres françaises. Jalons pour l'histoire d'un journal, 1941-1972 (Tallandier, 2004).
Et nous fumes tenté d'y plonger lorsque, par réflexe, nous sommes allés renifler l'index.
Mal nous en prit : entre Marx (Karl) et Matteotti (Giacomo), pas de Masson (Loys). La truffe en alerte, nous nous inquiétâmes à juste titre : Loys Masson était des Lettres françaises historiques, clandestines... Où était-il donc encore passé, ce sacré poète ?
Nous pûmes nous assurer que l'index du bouquin de Daix comporte bien, en revanche, le nom de Jean Paulhan, autrement plus embêtant pour Daix, car trop notoire pour être effacé.
Voilà donc un cas de révisionnisme. Comme le Politburo gommait les photos en son temps, Pierre Daix gomme le nom de son prédécesseur au poste de rédacteur en chef des Lettres françaises, méthode non seulement totalitaire, stalinienne et détestable, mais encore dangereuse : en ne citant nulle part Loys Masson, qu'il dégomma avec le concours du Parti et d'Aragon, Pierre Daix dévoilé dévalide son propos qui s'en va à peu près tout à l'égout. Comme les méthodes du Parti lors de cette réappropriation des fruits de la Résistance.
Mais qu'est-ce qu'il croyait ce Daix ? Qu'on allait se souvenir de lui ? N'avait qu'à écrire Les Tortues. Désormais nous savons qu'il restera de lui ce souvenir honteux (et son bouquin est déjà reparti avec la drouille) :

Pierre Daix ou l'effaceur de Masson (deux fois).



  • Ce principe stupide est toutefois d'un bon rapport pour nozigue : c'est grâce à lui que nous faisons chopin en chinant.

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