Marc Stéphane lu par Gabriel Randon (1894)

Sous le ciel, de Marc Stéphane (Grasilier). — Voilà un roman bâti selon la méthode naturaliste, mais qui, malgré ce défaut, révèle chez son auteur un vigoureux tempérament d’écrivain et de poète. L’auteur eut le désir de nous conter une franche et belle idylle entre une jeune paysanne et un jeune bourgeois campagnard. Ce long duo d’amour est contrarié souventes fois, au cours du roman, par les tracasseries d’une espèce de vieux paysan hideux, sadique, lovelace, qui met à mal la vertu de ses servantes et poursuite l’héroïne Janilhe de son stupre épouvantable. Le Pero, tel est le nom de cette effroyable crapule, est capable de tout. Il va jusqu’à assassiner sans phrases les gens qui le gênent, jusqu’au jour où Marius, l’amoureux, le larde de coups de couteau pour arracher Janilhe, son amoureuse, aux bras du vieux vampire qui veut la violer.
L’intrigue de l’oeuvre est bien menée, et le dénouement constitue un drame superbe qui évoque le frisson. Les caractères sont à mon avis moins bien traités, à part le Pero, qui est vraiment caractéristique et bien campé. Quant au cadre même du roman, c’est la Lande. La Lande joue ici le rôle de Force aveugle, obsédante, dominant de sa hantise les personnages. C’est là le procédé un peu dactice que l’on retrouve souvent dans les romans de Zola. Les paysages, un peu trop descriptifs au sens analytique du mot, sont cependant charmants de réalité et de couleur. Et quand à la langue des personnages, elle traduit des choses exquises comme celles-ci :
« Marius, l’impie, eut un éclat de rire moqueur.
— Ah ! vaï ! auprès du Bon Dieu ! sais-tu seulement où il est, le Bon Dieu ?
— Tiens, si je le sais, assura tranquillement l’enfant. Il est partout où le ciel est beau, où la terre est belle et l’homme bon. C’est ma maman qui le dit, et cela doit être vraim, car ma mamouille ne ment jamais. »
A noter aussi de fort belles pages sur l’inondation du pays par le Rhône. — Je me résume : ce livre dénote quelqu’un. — G. Randon


Le Mercure de France, 1er juin 1894, p. 183



Marc STEPHANE La Cité des fous. Préface de votre serviteur. — L’Arbre vengeur, 2008, coll. “L’Alambic”, 255 p., 14 euros.
Marc STEPHANE Un drame affreux chez les tranquilles. Préface de votre serviteur. — L’Arbre vengeur, 2008, coll. “L’Alambic”, 64 p., 7 euros.
Et aussi : Marc STEPHANE Ma Dernière Relève au bois des Caures. Souvenirs d’un chasseur de Driant, 18-22 février 1916. Préface du même. — Triel-sur-Seine, Italiques, 2007, coll. “Les Immortelles”, 152 pages, 18 euros.

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