Joseph Dejacque (1822-1864) n’est pas le plus notoire des penseurs politiques français, il n’en est pas moins des plus remarquable.
La réédition de son Humanisphère va permettre de le constater ubi et puis orbi.
Exilé aux Etats-Unis, cet ouvrier décorateur acquis à la pensée socialiste et libertaire — il est le premier utilisateur de ce dernier terme — y conçut des écrits plutôt stupédiants, dont cet Humanisphère utopique dont la verve unique n’est pas sans rappeler le lyrisme emballé du “sauveur du vers français”, le fameux Auguste Boncors. Soit un texte à déguster, comme on a pu apprécier Ernest Coeurderoy.
Préambule en guise d’illustration :
Ce livre n’est pas une oeuvre littéraire, c’est une oeuvre INFERNALE, le cri d’un esclave rebelle. (…)
Ce livre n’est point écrit avec de l’encre, ses pages ne sont point des feuilles de papier. Ce livre, c’est de l’acier tourné en in-8° et chargé de fulminate d’idées. C’est un projectile autoricide que je jette à mille exemplaires sur le pavé des civilisés. Puissent ses éclats voler au loin et trouer mortellement les rangs des préjugés. Puisse la vieille sociélé en craquer jusque dans ses fondements (…)
La grosse toile fourmille de textes de Joseph Dejacque : ici, la version châtrée de L’Humanisphère (édition écourtée de la Bibliothèque des Temps nouveaux, Bruxelles, 1899) dont les coupes dûment et honnêtement signalées sont particulièrement intéressantes puisqu’elles disent tout haut ce que la propagande anarchiste considérait en 1899 comme trop “avancé”, ou trop contestable pour être diffusé.
Voici ensuite A bas les chefs ! (édition de 1912) où les patrons, contremaîtres, chefs d’entreprise et autres régents de bureau prennent pour leur grade — un texte de saison !
Puis Aux ci-devant dynastiques, aux tartufes du peuple et de la liberté (1848)
Et ces Vers récités, le 24 juin 1852, sur la tombe d’un proscrit
(liste non exhausive).
Toutes choses qui imposent de rendre à Dejacque son lustre et de le rétablir à son rang.
Vive la Liberté ! Vive Dejacque !
Nota Bene : Dejacque nous renvoie dès le préambule de son récit à un essai complémentaire, une sorte de préacquis nécéssaire : Le Monde marche d’Eugène Pelletan (2e éd., 1858).
Joseph Dejacque L’Humanisphère. — Burozoïque, 163 pages 10 euros
1 De luc nemeth -
Bonjour. En ce qui concerne le poème “Aux ci-devant dynastiques (etc.)” il a été mis en ligne par le site Gallica car il avait fait l’objet d’un tirage à part mais ce n’est pas le plus représentatif et surtout, il n’est représentatif que d’une période bien délimitée : celle qui va de février à juin 1848 et durant laquelle Déjacque est encore aligné sur une position de défense inconditionnelle de la République -cette même République qui en juin se livrera à un massacre dont celui de la Commune est venu par la suite recouvrir l’image. Cela dit, l’image de la Commune n’explique pas tout : aujourd’hui encore les historiens continuent de… ne pas, faire le travail qui serait pourtant le leur, là où il est question de cette seconde République qui ouvrit la voie au 2 décembre. Cordialement
2 De luc n. -
Parmi les écrits de Déjacque dont fourmille la grosse toile je signale également, affiché sur fr.wikisource.org (merci pour eux si vous pouvez établir le lien), la remarquable brochure qu’il publia en mai 1857 à La Nouvelle-Orléans après que Proudhon aît poussé la bêtise misogyne et la muflerie un peu plus loin que d’habitude : “De l’Être-Humain mâle et femelle - Lettre à P. J. Proudhon”.