Pierre Benoît et la publicité littéraire, par Victor Méric (1922)

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POLÉMIQUES

Publicité littéraire

On nous rendra cette justice : nous n’avons pas fait beaucoup de réclame à la dernière incartade de M. Pierre Benoit et, de toute la presse dite parisienne, c’est encore L’Humanité” qui s’est montrée la moins jobarde. Toutefois, il serait puéril de ne pas tirer la conclusion d’une aventure qui a provoqué autant de chahut. J’ai déjà eu l’occasion de signaler, ici-même, les procédés de certains mercantis d’éditions et lettres. Tous les moyens sont bons, pourvu que la marchandise s’écoule. Tous les petits scandales sont utiles. On use des pires procédés pour pousser à la vente. Ici, on annonce — faussement — des tirages fantastiques ; ailleurs, on raccroche l’attention avec des formules dans le genre de celle-ci : « A obtenu deux voix et demie (en petits caractères) AU PRIX GONCOURT (en caractères énormes) ». Vous voyez le truc. Cela s’appelle de la publicité, d’aucuns disent : de la tromperie sur la qualité de la marchandise.
Il y a aussi la méthode qui consiste à pimenter un roman de scènes où l’obscénité le dispute à la bêtise. Les Entremetteurs font école, et les romans dits audacieux se multiplient. C’est toujours de la publicité, d’aucuns prononcent : de la saleté.
Nous vivons en un siècle prosaïque et mercantile où il faut bien que tout un chacun trouve sa pâture. Jadis, au temps de nos bons rois, les écrivains étaient pensionnés (ou bâtonnés) et ils chantaient la gloire de ceux qui les payaient. Aujourd’hui, c’est la badauderie bourgeoise qui alimente les gens de lettres et les artistes. Et la badauderie n’est mise en éveil que par le tam-tam de la réclame et le jazz-band de la publicité. C’est pourquoi Gaudissart triomphe.
Reconnaissons, cependant, que M. Pierre Benoit demeure moral et n’essaie pas de chatouiller le cochon qui sommeille. Mais il exagère dans un autre sens. Il va, vraiment, un peu fort. Et ça finira par lui retomber sur le nez.
Il est question dans le dernier volume que m’adresse Cami : La Fille du Pétardier, d’une étrange maladie : la florissante. Les malades offrent ceci de particulier qu’ils jouissent d’une trop bonne santé et que, cette bonne santé se développant, ils finissent par en mourir. J’ai bien peur que M. Pierre Benoit ne finisse par succomber d’une façon analogue. Trop de publicité, Monsieur, trop de publicité ! À force de tirer des pétards pour faire retourner le lecteur, vous verrez que plus personne ne bougera plus. Quand on découvrira à l’étalage d’un libraire, un volume de Pierre Benoit, on dira : « Peuh ! Encore lui ! ». Et l’on passera.
Et M. Pierre Benoit, atteint par les effets de la justice immanente, sera ainsi puni par où il a péché. Amen !

Victor Méric



L’Humanité (n° 6754, 22 septembre 1922, en une).

Cet article vous est proposé par Jean-Paul Morel

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