Satan a le beau rôle...

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Satan a le beau rôle ! Il était mystificateur en diable dans Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, plutôt chafoin et revanchard dans le “Deux acteurs pour un rôle”, la nouvelle de Théophile Gautier, et puis tout simplement inquiétant, voire tout à fait détestable, le reste du temps. Ca n’est probablement pas de sa faute, Satan fascine. Parce qu’il n’est pas le moindre des anges : il est l’anar, le révolté, celui dont la liberté nous plaît. A moins de croire ces indigestes crèmes au beurre du purgatoire, du paradis et de l’enfer.

Dans L’Etranger Mystérieux, publié en 1916, l’un des tout derniers écrits de Mark Twain publié il y a un an pour la première fois en français par les éditions L’Oeil d’or, Satan est l’instrument du pessimisme intégral de l’auteur. De fait, indique l’éditeur, Mark Twain concluait là sa carrière en trois textes où il fit souffler un scepticisme noir et désarmant qui pousserait à se replier chez Thoreau ou Homère pour tenter de retrouver la sérénité ou l’envie d’agir. Fustigeant le “sens moral”, comme cache-misère des instincts naturels de l’Homme, Twain présente l’ange Satan, le propre neveu du grand déchu, visitant les hommes et tentant d’instruire quelques jeunes gens de la réalité des choses.
Bien entendu, son absence de sentiment le conduit à “aider” quelques hommes, femmes et enfants en modifiant leur destin de manière… décisive.

“Ah, hélas, si seulement on pouvait savoir ! On ne se tromperait jamais ! Alors que nous sommes tout juste de pauvres bêtes stupides qui avancent à tâtons en commettant des erreurs.”



Dans cet écrit inattendu, on découvre la face sombre d’un Mark Twain sans espoir, arrivé qu’il est au terme d’une vie riche, où il lui paraît que l’être humain mène décidément “Une existence illusoire dans un aveuglement consenti”. Et son analyse des progrès dans le meurtre du genre humain, grand moment de littérature, vaut les constats les plus amers des anarchistes européens ses contemporains. Mais il reste à Twain et à son diable ce nerf d’admettre qu’il reste à l’Homme une seule arme : le rire..

Ce texte imparable manquait au panorama.


Mark Twain L’Etranger mystérieux. Traduction de l’américain par Freddy Michalski • Gravures de Sarah d’Haeyer. - L’Oeil d’or, coll. “fictions & fantaisies” 128 pages, 13 euros


Et toujours Saint Alias. Là, Satan s’installe dans une maison qu’il a louée, dépose sa valise sur une table, l’ouvre et en sort son chien qu’il déplie. Entre autres faits et gestes passionnants et, parfois, ravageurs, à l’instar de ceux de l’ange de Mark Twain.

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