La Connaissance au eu grandement raison... (1920)

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Georges Fourest, La Négresse blonde

La Connaissance a eu grandement raison de nous offrir une réédition de La Négresse blonde, de Fourest. D'abord parce qu'on fait toujours bien en popularisant Un ouvrage admirable, ensuite parce que la réapparition de ce livre-souche, dont les éditions antérieures étaient devenues introuvables et partant inconnues, rappellera à l'ordre un certain nombre de poètes fantaisistes, dont la fantaisie consistait un peu trop ouvertement à faire, d'aimables pastichés.
On demeure confondu, devant des pages dont on connaissait à peine quelques fragments,— de l'audace de ceux qui en ont osé signer de grossiers démarquages.
Georges Fourest, avec les quelques poèmes de sa Négresse blonde, anéantit les réputations « délicieuses» d'hommes « d'esprit », briguées par quelques jeunes gens de Paris et de Bruxelles.
Leur talent, plus ou moins discutable, sombre dans son génie, car peu d'hommes ont eu, avec la puissance créatrice, une aussi parfaite nouveauté d'invention. La verve de ce recueil étonnant égale celle d'un Lautréamont ou d'un Laforgue et la solidité de sa langue, de son métier, de son outil est celle d'un grand artiste.
On a trop abusé des mots satire et humour pour les employer encore à l'occasion,d'un livre comme celui-ci. A tort, d'ailleurs, on y attache un sens péjoratif, un caractère péjoratif qui en restreint la portée. Or, les sonnets et les parodies de La Négresse blonde révèlent un génie grotesque d'une intensité comparable seulement à celui de quelques poètes de la Renaissance italienne. Il y a dans ce recueil un élément d'éternité dans le comique qui le libère de tous les caprices de la mode ou de l'époque et l'oeuvre restera, sans nul doute, un document dans l'histoire de la littérature française.
Celle-ci placera G. Fourest au sein de l'équipe des poètes décadents dont il évoque l'amitié dans son étonnante Epître testamentaire, — parmi ceux qui firent à leurs contemporains l'honneur immérité d'un mépris glorieux.

H. M.

L'Art libre (n° 13, septembre 1920, p. 173).

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