Victor Barrucand, par Louis Malet (1889)

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En ce moment, sans tapage et sans pose littéraire, une belle oeuvre s'impose : je veux parler de la série de compositions poétiques que M. Victor Barrucand donne chez Maurice Dreyfous, le sympathique éditeur, sous ce titre : Le Poème, publication mensuelle.
Trois fascicules sont déjà en vente. Ce n'est pas ici le lieu d'en donner une analyse détaillée, mais quelle maîtrise dans l'exécution et quelle force dans la pensée ! Crier au chef-d'oeuvre est toujours chose grave à laquelle on ne se résout qu'après avoir vaincu bien des restrictions mentales, mais c'est encore un devoir, surtout quand notre admiration violentée l'est par le fait d'un jeune et d'un inconnu.
Le premier fascicule, Amour idéal, est un poème en sonnets ; en détacher un, c'est rompre le fil du collier ; jugez s'il en reste une perle.
Louis Malet

Evocation

C'était l'heure où la terre assoupie et brûlante
S'éveillait dans la brise après un jour d'été.
L'ombre flottait légère. Un lambeau de clarté
Frangeait l'azur éteint d'une lueur sanglante.

A force de penser à toi, l'âme dolente,
J'imposai ton image à la réalité,
Et, docile, tu vins t'asseoir à mon côté.
C'était l'heure où le sol respire avec la plante.

Alors nous étions seuls dans un jardin fleuri ;
De tous les mots (1) soufferts je me croyais guéri ;
Tu parlais et, ravi, je buvais tes paroles,

Car ma tête avait pris ton sein pour reposoir,
Pendant que la fraîcheur entr'ouvrant les corolles,
L'arôme des rosiers montait dans l'air du soir.

Victor Barrucand




Le Courrier Français, 6e année, n° 27, 7 juillet 1889, p. 150.



(1) Sic.

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