Mort de Léon Bonneff (1914)

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Mort de Léon Bonneff

Il y a deux jours que la nouvelle nous en avait été annoncée, mais elle était imprécise, et nous nous attachions à son imprécision pour espérer encore Mais ce doute que nous voulions garder ne nous est. hélas ! plus possible : notre ami et collaborateur Léon Bonneff n'est plus. Une balle allemande a, devant Toul, triomphé de son loyal courage. Atteint au ventre, il avait été transporté à l'hôpital de Toul, et une lettre énue d'un de ses chefs nous a montré en quelle estime il était tenu par eux.
C'est que Bonneff était de ces nombreux socialistes partis pour la guerre avec la haine de la guerre, mais aussi, et à cause de cette haine même, avec la ferme volonté de pousser « jusqu'au bout » l'accomplissement du devoir librement accepté !
« Plein de sérénité », nous disait, pour résumer son état, une des lettres qui nous sont parvenues après son transport à l'hôpital. Et c'est bien cela ! C'est bien ainsi que nous nous le représentons, franc, le regard droit, dans la besogne à poursuivre, et. puis ensuite, résigné et calme, avec l'approbation de sa haute conscience.
Léon est mort. et le tourment de ses derniers jours a été que son frère Maurice, parti avant lui et dans un autre régiment, est porté disparu depuis plus de trois mois ! « Où est mon frère ? qui me donnera des nouvelles de mon frère ? » nous écrivait-il ces jours derniers. Hélas !
Et voilà ! Maurice Bonneff disparu ; Léon Bonneff le ventre troué, mort. Et c'est ainsi chaque jour. D'autres Bonneff, d'autres braves cœurs, d'autres frères tendrement unis, sont emportés dans l'atroce tourmente !
Notre douleur du moment s'accroît de toutes celles dont elle n'est qu'un exemple. Les larmes se sèchent, et on se prend à n'écouter plus que les voix qui soufflent les courroux généreux et les inexpiables haines !


L'annonce de la mort de notre ami Léon Bonneff a valu à l'Humanité de nombreux témoignages de sympathie. Une de nos lectrices, institutrice en Dordogne, a eu la délicate pensée de nous envoyer la dernière lettre que Bonneff lui écrivit. Et voici, sans y rien changer, le texte de ce court billet :
« Un bon et fraternel baiser avant de partir, chère Marie. Maurice a rejoint Châlons-sur-Marne dès le second jour, plein de gaieté, d'entrain, de courage, heureux. Oui, heureux de participer à cette guerre de libération contre les barbares. Je pars dans trois jours. Et tous nous reviendrons, tous, vous verrez, vos frères et nous ! Et si notre chère Marie pleure, ce sera de joie, de la grande joie de nous revoir tous. Au revoir, au revoir, au revoir. »
En même temps que cette lettre qu'on ne peut lire sans avoir le coeur serré, notre correspondante recevait de Maurice Bonneff une carte qui contenait ces mots : « Souhaitons de nous retrouver, mais souhaitons par-dessus tout que notre France soit victorieuse. »
Ces simples lignes, de l'un et de l'autre, ne suffisent-elles pas pour nous faire juger comme ils le méritaient ces hommes d'élite, ces vrais socialistes et ces parfaits Français ?« Bonté, sensibilité, fierté un peu farouche, droiture, courage, tout cela était leur », dit une autre lettre en parlant des frères Bonneff. C'est la vérité. (L' Humanité)



Voir aussi : "Les frères Bonneff et le tragique quotidien", par Emile Guillaumin (Floréal, novembre 1922).


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