L'homme de Zante

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Gilles Ortlieb a le type baladeur. On le sent sur le départ, toujours prêt à disparaître du monde civilisé, et cependant il revient parmi nous. On le sait à intervalles irréguliers, par voie de librairie si l'on peut dire. Cette fois, retour de Zante (île ionienne) et de Zante (ville de Lettonie) - mais qui va ainsi ausculter la toponymie ? -, il nous offre un double bouquet : celui de ses articles littéraires (Dans les marges) qui sont cinq études ajoutées au sept antérieurement publiées (Temps qu'il fait, 2002), et celui de ces ambulations à perspectives, soigneuses et lentes, durant lesquelles il trace des lignes à travers le paysage. Sur ces lignes, il glisse, regrettant avec Patrick McGuinness que les trains de la ligne 162 n'arrivent pas à Delhi (Guide Bleu, Fario, 2015), ou notant les mouvements des bâches des îles grecques par grand vent.
Chroniqueur questionnant l'univers, Gilles Ortlieb progresse vers un ailleurs qui nous semble toujours exotique, fût-il de notre propre territoire. C'est qu'il a sa façon de voir les choses et de nous raconter des histoires en passant. Celle de la Petite Dame de Gide, par exemple, croisée dans un pays plus vide que celui où l'on n'arrive jamais. D'ailleurs, lui-même y est arrivé, et sans certitude de pouvoir jamais en repartir... Le chroniqueur accepte de se perdre pour trouver. Ce pourrait être, du reste, une définition de la chronique : aborder sans a priori des questions ou des territoires apparemment sans intérêt et en tirer une observation bénéfique à tous. Où l'observateur se fait philosophe, acousticien, sociologue, moraliste, logicien ou humoriste...

Il doit être à peu près aussi absurde d'espérer comprendre un peintre par sa biographie que de vouloir expliquer un poète par son régime alimentaire.


Et ce souvenir d'un autre déplacement à Oxford, en juin dernier, et de l'affichette rouge collée sur une vitrine de la ville : "Liquidation totale de l'article femme" (...)


Avant-dernière semaine d'août, les retours échelonnés des valises à roulettes : dans les rues, à chaque jour, chaque heure, sa proposition plus ou moins bruyante, dans le registre batracienn, du contingent global des vacanciers de retour.


Avec les ouvrages de Charles Cros, Odilon-Jean Périer ou Jean-Luc Sarré dans les poches, sans oublier ses auteurs grecs chéris, le voyageur professionnel dessine au fil du temps sa carte du tendre où la géographie rebondit sur la littérature. A moins que ce ne soit l'inverse. Musées, murs de Naples ou d'ailleurs, landes galloises ou friterie de Saint-Michel à Paris, Gilles Ortlieb a ses tramways en somme comme jadis à Trieste Italo Svevo avait les siens.

Prochainement en librairie !

Gilles Ortlieb Et tout le tremblement. - Paris, Le Bruit du temps, 136 pages, 18 €
Gilles Ortlieb Dans les marges. Douze petites études. - Paris, Le Bruit du temps, 128 pages, 13 €



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