Les Velpeau de Jean

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On connaissait le Jean Cayrol (1911-2005) éditeur (de Maurice Roche en particulier) et résistant. Mais on n'avait pas lu, en 1978, date de sa prime édition au Seuil, le témoignage qu'il apportait de ses vacances de jeune enfant durant la Première Guerre mondiale à Lacanau. Comme souvent, les joyeusetés en roue libre de l'été apportent les souvenirs les plus forts (se souvient-on bien des Jours de rêve et de L'âge d'or de Kenneth Grahame ?).
Entre panthéisme brut et énergie polyvitaminée, les jours passent et les aventures sont merveilleuses, quoique parfois funèbres. Et toujours magnifiquement mises en mot par un auteur qui sait ce qu'écrire une phrase signifie et qui a appris ce que la vie apporte quand on sait la lire.

Les enfants ne voyaient de la misère que la sauvagerie, de la routine qu'une grande liberté nocturne."


L'enfance est un pays dont on ne revient jamais... La preuve avec Les Enfants pillards, un livre formidablement édité par l’Éveilleur (1).



Vivant dans les couloirs, les garçons commençaient leur bagarre dans une galopade effrénée. Le sol de ciment froid et poli, le caniveau recouvert d'une plaque de fer ajouré qui le longeait étaient propices aux blessures, aux coups sur la tête : le sang coulait souvent ; on faisait taire le blessé qui s'apitoyait sur son sort ; on le soignait comme on pouvait ; les gazes, les bandes Velpeau n'avaient aucun secret pour les soigneurs. Le tout était de trouver des épingles de nourrice. Les pansements avaient un drôle d'air, tantôt turbans, tantôt poupée. Il n'y avait jamais assez de ciseaux pour couper les bandes et les nouer.
Les commodes regorgeaient de linge : le blessé devait se taire et prendre un air indifférent devant les adultes étonnés de la de la délicatesse des infirmiers, et de leur promptitude. On le surveillat de peur que le sang ne fasse une tache inquiétante sur le bandeau qu'il portait autour du front : des ecchymoses disparaissaient sous les manches ; les genoux s'auréolaient de griffures qu'on distinguait à peine sous la teinture d'iode : le tout était de bien se tenir devant l'écorchure et sourire de ses entailles : les croûtes se formaient vite.



Jean Cayrol Les Enfants pillards. Préface de Michel Pateau. - Bordeaux, L’Éveilleur, 208 pages, nombreuses illustrations d'archives, 19 €


(1) Un bibliopole qui soigne particulièrement ses publications. On a pu lire déjà Louis Chadourne, Jean Galmot, Francis Jammes, Edouard Estaunié et on attend avec impatience les prochains titres annoncés qui seront signés Pierre Luccin, Pierre Frondaie, André Lafon et Louis de Robert).

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