Charles-Henri Hirsch par Marcel Sauvage

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Charles-Henry Hirsch

Dans le petit matin, gris-bleu et froid, je vais interviewer l'auteur de La Danseuse rouge, de Nini Godache, d'Eva Tumarche et ses amis.
M. Charles-Henri- Hirsch, la silhouette jeune d'un homme de petite taille, l'œil noir et vif, le geste bref, en pyjama clair.
« Non, non ! ne parlez pas de moi, par.lez de mes livres. - Je voulais précisément que nous parlions de Mimi Bigoudis, le nouveau roman que vous venez de publier.
- Eh bien ! supposez que je sois mort, vous écrirez plus justement à mon propos. » Mimi Bigoudis est une modiste, moins grosse qu'un bigoudis, et trop jolie. Un soir, parce que M. Georges est parti, avec sa malle et son violon, dans la Sarthe où il possède des terres, elle se jette par la fenêtre,
« Un nom me vient à l'esprit, un simple mot, c'est la graine d'où sortira un conte, une nouvelle ou un roman, La plante qui se développe. C'est Poupette, Saint-Vallier, Amaury d'Ornières, Parfiéri et Martin, ou bien Le Tigre et Coquelicot. Le non! d'abord ; le personnage ensuite, je l'imagine en face de moi, je le dessine, je l'habille, je lui pique une âme dans la tête, puis je l'abandonne et je le regarde vivre, je le rencontre au coin des rues. »
Et M. Charles-Henri Hirsch me dit combien il aime et comment il défend son indépendance d'écrivain, quelles émotions passionnées il éprouve à se promener dans le monde étrange et douloureux que son imagination agrandit chaque jour autour de lui, monde spécial qui existe en vérité, qui souffre et se débat contre le péché originel, contre la vie qui sème dans les bas-fonds ses joies d'une heure, son amour, ses haines et ses vices. Innocents que les coupables condamnent.
Le jour qui s'anime éveille l'or aux bras des fauteuils, fait luire l'huile glacée des laques dans ce bureau sévère. Et cependant que je songe à rancis Carco, le premier sur une pile, j'aperçois le livre du bon typographe Marmouset.
- « Vous aimez Au Lion tranquille ! L'argot est exact, c'est amusant, mais sans caractère. Toutefois, j'ai eu le plaisir de retrouver là deux vieilles connaissances, Petit Louis, que j'avais poussé vers la boxe, et Bébert, vous le rappelez-vous, dans Le Tire et Coquelicot ? »
Prix Concourt, prix Balzac. M. Charles-Henri Hirsch a horreur de toutes les distributions de prix. « Jadis, dit-il, je l'ai fait savoir, non sans violence, dans une lettre à M. Lucien Descaves. »
Celui qui préside avec tant de lucidité à la critique des revues au Mercure de France depuis vingt-cinq ans a des souvenirs :
« J'avais 12 ans quand Victor Hugo m'embrassa, le soir de sa quatre-vingtième année. J'ai vu Barbey d'Aurevilly, je vois toujours ses cravates - aux filigranes d'or. A 18 ans, j'ai dîné avec Verlaine. Je dus abandonner le divin maître sous la table ; ce fut un des plus grands chagrins de ma jeunesse. J'ai connu, voici bientôt trente ans, un des premiers dadaïstes, il s'appelait Michel Féline et publiait ses poèmes à l'Art indépendant, chez Bailli. »
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Marcel Sauvage


Les Nouvelles littéraires, 18 novembre 1922

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