Le Grand Ecrivain de Merle

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Cafteur comme on l'est sur notre île, un peu par nonchalance, un peu par souci d'animation de la vie quotidienne, on ne peut pas s'empêcher d'annoncer la prochaine parution du deuxième roman de Jean-François Merle, Le Grand Ecrivain. Il devrait être en librairie le 16 mai prochain, juste après tous les ponts.
Tout commence avec un incipit à base d'incipit. Forcément, car Merle est du métier : "On m'a enseigné que la première phrase du roman est la plus importante" lance-t-il pour expliquer son goût pour l'accumulation de premières phrases destinées à des romans qui ne seront jamais écrits. Un peu comme Walter Lewino entassait ses premières phrases pour Maurice Nadeau dans Longtemps je me suis couché de travers (1994), un recueil superbe qui vaut bien les brèves de Fénéon et les fausses sentences de Paulhan.
Notez bien que Merle ne prétende pas être lui-même ce grand écrivain, cet homme est tout d'humilité : il raconte l'aventure littéraire qui survient à l'auteur d'un premier roman réussi incapable d'écrire son deuxième roman alors qu'il doit honorer un contrat. Un contrat pressant, vous l'aurez deviné. Convié à éponger sa dette par un nègriat subtil auprès d'un génie national comme la France en produit tant, il se retrouve impliqué dans une tromperie de haute voltige qui lui dérange l'éthique. L'homme de plume va de surprises en déconvenues (et trajet retour) — ne comptez pas sur nous pour révéler quoi que ce soit, la grandeur littéraire du pays est en jeu.
Sur cet air presque connu, il faut reconnaître que Jean-François Merle s'en sort drôlement bien. Il a son talent, qu'on avait remarqué en 1987 avec Cale sèche (prix du Premier roman), roman d'une étrangeté sur deux pattes qui débutait sur une interrogation ("Peut-être suis-je mal né ?") et se concluait sur un constat ("Alors j'ai connu le malheur")... Avec Le Grand Ecrivain, Merle joue à nouveau avec beaucoup de brio. Et ce, c'est à souligner, sans compromettre son personnage avec la belle et froide secrétaire d'édition. Signe d'un roman soigné, vous en conviendrez, ici personne ne se vautre. Mais qui dira, à ce propos, toutes les beautés de la secrétaire d'édition ? Jean-François Merle vient d'en entamer sérieusement le portrait, de même qu'il entreprend dans le genre pessimiste la mise à bas des mythologies sans cesse répétées de l'inspiration. Et peut-être même du travail, il faut vérifier.. Mais, après tout...

"Qu'est-ce qu'on s'en fout?"

Roman souriant, ce Grand Ecrivain est plein de grâces, qui nous valent des surprises délicates comme le superbe "J'étais un brin chiffon". Il faut aimer lire et écrire pour être encore un brin chiffon, ce qui est fort louable chez un éditeur de nos jours. Bien sûr, Le Grand Ecrivain a formé fable chez un professionnel du livre (Merle est aussi l'auteur d'un quizz littéraire) et son dit est plus que parlant. Sous la nappe d'humour qui couvre cette histoire, il dispense tout le contraire du nuage de fumée que sert généralement la presse littéraire. Cette dernière n'exprimant pas souvent qu'à oeuvre singulière, il faut auteur singulier. Et la singularité, quoi qu'on en pense, n'est pas toujours acceptable, non plus que sociable. Mais on n'en dira pas plus...



Jean-François Merle Le Grand Ecrivain. - Paris, Arléa, 2018, "Le 1er Mille", 272 pages, 20 €



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