On se lève tous pour Copi

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Entre Topor et Pierre Molinier, il y a Copi (1939-1987). Un fameux drôle, petit morceau d'Homme originaire d'Argentine, parvenu à Paris via l'Uruguay, touchant diablotin à la plume ravageuse, qu'il prose, dramaturge ou dessine. Un pur enfant des années 1960-1980, résolument iconoclaste et provocateur, burlesque et même bouffon, toujours en veine de belles plaisanteries, de délires tonitruants, sur fond de nonsense et de déclarations d'amour. Un tendre, c'est sûr.
De la même "écurie" que René Ehni, en moins massif, de la même époque qu'un Jean-Luc Bénoziglio ou qu'un Brautigan, confrère de Genet, le sens de la tragédie en moins, Copi avait pour lui de dessiner avec beaucoup d'esprit et d'écrire avec beaucoup d'inconscience. Des histoires d'homosexuels, avec dévorations et sodomies, en pleine époque pompidolienne. La fierté homosexuelle imaginée en 1936 par Georges Portal n'était pas encore arrivée à point, et cependant Copi se travestissait, tout en s'affublant de gros sourcils et séduisait son monde. Tout le monde bien sûr : l'humour est un vecteur d'amitié entre les êtres. Et ses pièces de théatre ne démentait pas l'intérêt de ses dessins de presse.
On ne fera pas ici d'éloge du Bal des folles, du Frigo, ou des nouvelles toporiformes d'Une langouste pour deux, toute l'oeuvre de Copi est à découvrir et à relire comme le déclare dans une excellente chronique Michel Cournot, à la fois très drôle et très juste.
Qui donc a peur de l'imagination foisonnante de Copi ?

Mais voici que le carrefour de Buci prenait toute la place dans mon imagination, mes trois travestis se voyaient entourés et bientôt perdus parmi d'autres personnages, minettes, loulous, flics. Buci s'étendit ainsi jusqu'à Saint-Germain-des-Près et mes personnages se mélangeaient avec les antiquaires de la rue Jacob et les employés de boutiques de la rue de Rennes, puis tous le quatorzième et la Seine (avec une excroissance au Maris) il me restait un trop grand territoire peuplé de personnages indéfinis, plus les touristes. Et au milieu de tout cela, toujours mon éditeur, installé dans un château fort entre Saint-Sulpice et le Sénat attendant que de bout de ma point Bic je lui fasse part de l'état du peuple, moyennant quoi j'aurais mes honoraires de courtisan. Je vous assure. Mais qui en eût l'idée ? D'abord, à qui la vendra-t-il ? Il doit penser : aux mêmes. Aux mêmes qui achètent des livres croyant les concerner eux (oh si peu nombreux) ou leurs habitudes professionnelles ou de quartiers (trois ou quatre mille personnes) ou, dans le meilleur des cas, dans une édition moins chère, ceux qui s'intéressent à tout, surtout aux crimes.Dieu sait s'il ne rêve même pas d'en faire un best-seller. Mais non, il aurait peur de me perdre. Il craint que riche, je devienne éditeur et je lui vole tous ses auteurs (le rêve de tous les auteurs est d'avoir un éditeur-auteur pour qu'il fasse sont travail à sa place), le laissant sur et contraint à son tour d'écrire pour gagner sa vie. Son cauchemar va jusqu'à lui faire imaginer qu'il est forcé d'écrire ses mémoires pour survivre, je suis son éditeur et je lui refuse une avance tant qu'il n'aura pas fini et il n'arrive jamais à écrire la dernière page tant les livres qu'il a publiés sont difficiles à raconter et surtout le mouvement qui l'a poussé à les publier difficile à exprimer. IL se réveille en sursaut et il chiffonne sur un bout de papier : n'oubliez pas de demander son roman à Copi. Et il se rendort. (...)


Pour un bain de légèreté, d'incongruités salées et de sourires, suivez Copi.





Copi Romans. - Paris, Christian Bourgois, 2018, 205 pages, 15 €
Copi Théatre. - Paris, Christian Bourgois, 2018, 496 pages, 20 €

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