Songes et visions de Bachelin

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C'est une grande joie de découvrir un recueil inédit de Christian Bachelin, ce vieux Ténébros, magicien désemparé et malicieux.
Avec les Contes des forêts closes, on atterrit en plein pays bachelinien comme on a pu lire en terre nervalienne, comme on a pu flotter au contact des songes éveillés de la famille Brontë. Rêveries, consolations et convocations, ce sont des histoire d'"Or du Labrador", des « Provinciales », des orphelins et orphelines, des voyages en Moravie ou en "grand orient", tous les univers que Christian Bachelin (1933-2014) mobilisait dans ses écrits pour enchanter la terre et sa vie.

Je vais vous raconter l'histoire de la veuve du cuirassier. Je ne sais pas si j’en aurai la force mentale, je ne sais pas si je me rappellerai le timbre particulier du grelot de la sonnette de son corridor lorsque quelqu'un arrive et que dehors il neige dans un silence épais somptueux comme une fourrure ou comme un tombeau de marbre. Quelquefois mon obsession est fatiguée. Le point blanc du fond des temps commence à clignoter. La veuve du cuirassier habitait donc une ancienne maison brûlée, dans une petite ville de Rhénanie orientale. Elle passait le plus clair de l'hiver de sa vie à écarter des rideaux pour regarder tomber des flocons.

Disparu il y a cinq ans, Christian Bachelin, qui fut l'ami d'Yves Martin, de Dominique Joubert, de Jacques Sommer et même d'Alain Mercier à une époque, n'a pas perdu une once de son rayonnement littéraire, quand bien même il fait partie des éminement négligés, comme l'indique sa préfacière, Valérie Rouzeau. Mais c'est à peu près certain, on découvrira lentement la grâce de cet homme désolé mais riche, imaginatif mais solitaire, choyé par ses rêveries qu'il nous fait partager, cette "Oeuvre initiatique, comme nous l'explique la poète, aux figures multiples de la mère notamment (...) par l'expression d'un imaginaire allant chercheur loin, telles les racines d'un chêne séculaire en sa terre nourricière.
Une occasion de signaler aussi le travail des éditions On verra bien qui ont rendu à la lecture des romans de Georges Magnane (le fomidables Des animaux farouches), Ernest Pérochon (Les Hommes frénétiques), Pigault-Lebrun (L'Enfant du carnaval) et le magnifique Paroutaud dont on sait l'immense intérêt - on n'a pas le droit de négliger Le Pays des eaux et La descente infinie, ces deux très grands classiques du XXe siècle)... Bref, du très beau travail d'éditeur qui, en plaçant Bachelin parmi ses pairs, rend confiance. Il reste des éditeurs, et la génération montante sait ce qu'elle fait. Enfin, bref, On verra bien.



Christian Bachelin. Contes des forêts closes. - Préface de Valérie Rouzeau. - Limoges, On verra bien, 2019, 240 pages, 19 €

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